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JOËL DEHASSE
Miaou, et vive le chat !
PAR ARIELLE THEDREL
[07 avril 2005]
Tout sur la psychologie du chat, de Joël Dehasse, Odile Jacob, 602 p., 29,90 €.
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Qu'on se le dise : le chat est bon pour l'homme. Il y a trois mille ans, les Egyptiens en étaient déjà convaincus. Ils vénéraient le meilleur ennemi du rat et le momifiaient après son trépas. La peste a été éradiquée et le chat a déserté les greniers à blé pour devenir un guérisseur des âmes. Les scientifiques l'ont prouvé : le chat est un médicament contre la dépression, le stress, l'anxiété. Ou tout du moins, précise Joël Dehasse, il nous apaise, nous équilibre, nous console. M. Dehasse, qui passe pour être à l'univers du chat ce que Max Planck est à la physique quantique, sait de quoi il parle. Il est vétérinaire psy, cela existe. Rigoureux, édifiant, son ouvrage a beau tordre le cou à une vision anthropomorphique et bêtifiante du chat, il n'en témoigne pas moins une empathie pour ce petit félin qui laisse penser que le docteur Dehasse a été chat dans une autre vie.
Donc, le chat fait du bien à l'homme, et pourtant combien d'entre eux furent persécutés, brûlés vifs sur des bûchers ou emmurés vivants par les sbires d'une Inquisition obscurantiste qui voyaient dans ce petit prédateur, au regard étrange, une incarnation de Satan ? Combien, aujourd'hui encore, finissent en ragoût sur des tables asiatiques ou bien immolés dans des laboratoires sur l'autel de la science ?
Bon prince, le chat ne semble pas nous en tenir rigueur. Lui qui fut à l'origine le plus solitaire des félidés – même le lion est plus sociable – a feint de se laisser apprivoiser. A moins qu'il ne nous ait domestiqués, à en juger les trésors d'indulgence dont ses admirateurs font preuve pour tolérer ses petites manies, de la chasse aux chevilles humaines au spot urinaire qui est peut-être au chat ce que la madeleine de Proust est à l'homme. On peut rêver.
C'est que, à en croire le docteur Dehasse, le chat a bien des affinités avec l'espèce humaine. Individualiste, hédoniste, opportuniste, libertin, il partage avec elle quelques valeurs communes : le territoire, la hiérarchie, le plaisir, le cocooning. Comme l'homme, il fait preuve de mépris – mais jamais d'arrogance –, de fierté, de jalousie, d'envie. Les chats aussi comptent parmi eux des dominants, des despotes, des dépendants, des gangsters, des asociaux... Comme nous, il leur arrive de déprimer, de souffrir de phobies, d'insomnie, d'être anorexique, obèse, de fréquenter les psy et de s'adonner au Prozac.
Bref, le chat nous ressemble et pourtant que de malentendus entre lui et l'espèce humaine. Gardons-nous d'illusions : le chat – comme la plupart des humains, faut-il le répéter ? – n'a d'autre éthique que son bien-être personnel. Se frotte-il à notre mollet, nous y voyons une caresse alors qu'il ne s'agit que de déposer une phéromone. Un marquage de familiarisation semblable à la photo de famille que son maître pose sur son bureau. Ronronne-t-il pour manifester sa confiance ? Mais il ronronne souvent, dès l'âge de deux jours, lorsqu'il se blottit contre nous, mais aussi, parfois, quand il va mourir. Le seul moment où cessent ces douces vibrations, c'est lorsqu'il rêve. Et le chat rêve beaucoup.
Déifié ou diabolisé, il hante depuis des millénaires notre imaginaire. Buffon le disait sournois, Chateaubriand vantait sa noblesse, Baudelaire idolâtrait sa grâce. Les scientifiques ont pris aujourd'hui le relais des poètes pour tenter de percer ses secrets. Ils sont nombreux. Que pèse le record du monde du saut en hauteur de Javier Sotomayor, 2,45 mètres, face au 1,50 mètre de cet athlète quadrupède qui défie les lois de la pesanteur ? Que vaut une carte Michelin face à sa miraculeuse boussole biologique ? Certes, il est daltonien et myope, mais il voit six fois mieux que nous dans la pénombre et – Méduse en ferait une jaunisse – ne craint pas de regarder le soleil en face. Le docteur Dehasse en convient lui-même au bout de 600 pages : le chat reste un mystère.
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