Le chien agressif
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Dangerosité: formule d'évaluationDr Joël Dehasse, dvm, D-ECVBM-CA |
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Je propose une évaluation simplifiée de la dangerosité d’un chien après qu’il ait mordu. Il ne s’agit pas d’un test prédictif pour un chien qui n’a jamais mordu ; il s’agit de pouvoir évaluer aisément la dangerosité globale après une attaque avec morsure. Cette première évaluation peut ensuite être complétée par le diagnostic d’un expert. Une formule de dangerosité après morsure est développée et des conseils de gestion du chien dangereux sont proposés en relation avec les résultats de la formule. Evaluations en sciences comportementales La dangerosité est ici envisagée comme un risque global et non un risque contextualisé. J’entends par-là que je ne prends pas en compte le statut hiérarchique du chien, les circonstances de l’agression, les responsabilités des propriétaires, etc. Une détermination globale de la dangerosité ne peut pas, non plus, anticiper les incidents et accidents liés à des morsures mal placées (vaisseaux sanguins, …). Il n’y a pas de calcul objectif (validé scientifiquement) de l'appréciation de la dangerosité d’un chien vis-à-vis d’un être humain. Actuellement, rien ne remplace le diagnostic réalisé par un(e) vétérinaire comportementaliste. Les sciences comportementales font partie des sciences de l’imprécis (Moles, 1995). A côté des sciences dites exactes (comme la mathématique, l’astronomie, la chimie, etc.), il y a des sciences inexactes qui étudient le flou, le vague, l’imprécis, telle que la psychologie, la sociologie, la météorologie. La médecine vétérinaire comportementale en fait partie. Dans cette spécialité, il y a trois façons d’aborder la problématique :
Expérimenter et tester induit des interactions fortes entre l’expérimentateur (et ses procédures) et le chien et son système, par la mise en place de médications, de manipulations comportementales, d’inductions de changements. L’observation entraîne des interactions faibles entre l’observateur (son appareil photographique, sa caméra vidéo, …) le plus neutre possible et l’animal observé dans son écosystème. La modélisation n’entraîne aucune interaction dans la réalité. Modéliser signifie réaliser une caricature de la réalité, construire un dispositif qui permettra de reproduire ce que l’on observe et teste. La modélisation suit des règles ; une de ces règles, le principe de parcimonie, nous propose de sélectionner le nombre minimum d’éléments qui ont la plus grande valeur. La démarche qui suit est basée sur les points 2 et 3 : observation et modélisation. Voici les critères que j’ai pris en compte pour l’évaluation de la dangerosité: 1. Le poids et la masse On oublie trop souvent que lorsqu’on
parle d’un chien pesant 45 kg, on ne fait pas référence
à son poids mais à sa masse. La puissance musculaire d’un
chien est telle que son accélération le mène en quelques
mètres à 20, voire 40, km à l'heure. A 20 km/h, le poids
de notre chien est multiplié par 5,5 et à 40 km/h, il est
multiplié par 11. 2. Les catégories de personnes à risque Ci-dessus, j’écris bien « en l’absence
d’autorité ». En effet, le statut social dominant d’une
personne lui donne de l’autorité sur le chien. Par
ailleurs, les personnes dominées ou craintives, les
personnes âgées ou souffrant d’un handicap moteur et les
enfants de moins de cinq ans et la majorité des femmes en
présence d’un chien mâle peuvent être considérées
comme des catégories à risque. La dangerosité doit alors
être augmentée.
La classification des catégories est
faite sur base de plusieurs critères, notamment sur la
force physique et la capacité d’identifier le langage
corporel du chien. 3. L’agression offensive/proactive ou défensive/réactive Si on devait simplifier à outrance l’analyse des comportements agressifs en fonction des mouvements respectifs du chien et de la personne mordue, on pourrait dire qu’elle est de deux types :
L’agression défensive est plus facile
à gérer ; en effet, il suffit de ne plus aller vers
le chien. Si on l’appelle à soi et qu’il daigne venir,
le risque d’agression devient très limité. Cependant,
les enfants de moins de 3 ans ne sont pas fiables et ne
peuvent pas toujours être contrôlés dans ces
circonstances. 4. L’agression prévisible ou imprévisible Quel que soit le facteur déclencheur de l’agression, il est important de déterminer si la personne à risque est capable de prévoir l’attaque et la morsure ou si elle en est incapable. Lorsque la morsure est peu prévisible, le (la) vétérinaire comportementaliste doit pouvoir déterminer si l’agression est réellement imprévisible ou si on peut apprendre à la personne à risque à prévoir l’agression. Critères :
J’entends par « personne à
risque » la personne qui risque le plus de se faire
mordre. S’agit-il du mari, de l’épouse, d’un enfant,
d’un grand-parent, d’un voisin, d’un visiteur, de
quelqu’un dans la rue, d’un cycliste, … ? 5. Le contrôle et l’intensité de la morsure Un chien dominant qui doit remettre un congénère subordonné à sa place peut recourir à une morsure contrôlée, c’est-à-dire une mise en gueule ou un pincement. La mise en gueule ne laisse pas de trace, le pincement fera un bleu. Face à un challenger qui refuse de se soumettre, la morsure sera une prise forte ; il en résultera un bleu plus intense ou une perforation de la peau. Si le chien perd le contrôle de ses morsures, il provoque des déchirures de la peau. En cas de peur, d’impulsivité ou de comportement de chasse, les morsures sont généralement intenses. On peut identifier différents degrés de morsures :
Le critère est l’intensité de la morsure, de 1 à 7. 6. La morsure simple ou multiple Un chien qui mord à répétition est plus dangereux qu’un chien qui mord une fois, s’éloigne et garde ses distances. De même, un chien qui tient la morsure et refuse de lâcher provoque des blessures plus importantes (plus délabrantes) et est donc plus dangereux que celui qui donne un coup de dents et s’éloigne. Voici les différents degrés envisagés :
Le critère est la particularité de la morsure, de 1 à 4. Le risque de dangerosité pour l’humain Le risque de dangerosité est toujours relatif à une personne particulière et à des circonstances spécifiques. Il n’y a pas de valeur absolue. La dangerosité est proportionnelle
Une formule mathématique peut être envisagée. Tableau récapitulatif des critères de dangerosité
Dans la formule, tous les critères sont additionnels. Le critère ‘A’ est également pondéré d’un facteur multiplicatif 4.
Un chien de 20 kg pince un homme de 80 kg
pour se défendre après avoir manifesté des menaces
claires. Dans les mêmes circonstances, si la
victime est un enfant de 4 ans et 20 kg, le pincement
causera facilement une pénétration de l’épiderme. Les valeurs de ce test ont été comparées avec mon jugement subjectif de vétérinaire comportementaliste, après avoir réalisé une consultation anamnestique comportementale d’une heure par chien agressif, avec une cinquantaine de chiens. Le jugement subjectif était constitué d’un chiffre de 0 à 10 : 0 était indiqué pour l’absence de dangerosité et 10 pour un risque mortel.
La corrélation entre mon évaluation d’expert et le calcul de dangerosité est le suivant :
La corrélation ne peut qu’être forte
puisque les critères sont pris en compte dans la
consultation. Cette dernière compren,ant une analyse des
comportements de l’animal au jour de la consultation et au
cours de son histoire donne le meilleur standard de
référence. On risque un biais lié au mensonge de certains
clients qui pourraient minimiser la dangerosité de leur
chien, mais les critères sont suffisamment descriptifs et
objectivables que pour minimiser ce risque. Il est aisé d’imaginer ce que
donnerait une même situation d’agression, de morsure, sur
une autre personne, sur une autre victime potentielle. Si un
chien cause un hématome en pinçant un homme adulte, la
même morsure engendrerait un percement de l’épiderme
chez un enfant. L’application de la formule avec ces
nouvelles données permet de réaliser un calcul prospectif
du risque. Pour simplifier encore le travail de décision, je vous propose, dans le tableau ci-après, quelques conseils pour chaque valeur de l’indice de dangerosité. Cependant, gardez en pensée que plus on simplifie et plus on augmente le degré d’imprécision d’une décision. L’évaluation de la dangerosité n’est qu’une première étape qui ne remplace pas le recours à un entretien avec son vétérinaire, un éthologue ou un dresseur expérimenté et, bien entendu, une consultation chez un vétérinaire comportementaliste. Conseils pour les propriétaires en fonction de l’indice de dangerosité calculé par la formule.
Apprécier le danger est un premier pas, facile à faire, dans l’évaluation d’une agression. Des outils, comme cette formule de dangerosité ou le recours à une consultation chez un expert, permettent d'estimer un risque et, ensuite, d’envisager des solutions pour le gérer. Références Le texte de cet article est extrait (avec quelques modifications) de mon livre Le chien agressif en référence ci-dessous.
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© Joël Dehasse, 2002 <ethovet.com - joeldehasse.com> |
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mardi 12 février 2008 |