Conduite de la consultation de comportement (du chien)

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Dr Joël Dehasse©    (joel.dehasse@skynet.be ) écrit le 19 décembre 2022, révision le 5 janvier 2023, révision le 27 juillet 2023

 

Cet article est destiné aux experts en comportement : coach, comportementaliste, vétérinaire

 

Structure de la consultation

La structure de la consultation (ainsi que les techniques d’entretien), a été décrite dans mon livre Mon animal a-t-il besoin d’un psy ?  et pendant mes formations :

°       Accueil, administration

°       Énoncé libre des problèmes

°       Détermination et hiérarchisation des problèmes à gérer

°       Détermination des demandes pour chaque problème

°       Analyses des patrons-moteurs-comportements problématiques

°       Analyse des éléments psycho-informatiques

°       Analyse de la cinétique d’apparition et d’évolution des problèmes

°       Analyse de l’organisme ‘chien’ dans ses aspects neurologique, endocrinologique, immunitaire (inflammatoire), nutritionnel et microbiote

°       Analyse des environnements proposés au chien

°       Analyse de la relation chien-groupe social

°       Analyse de la sécurité du chien dans l’environnement

°       Analyse des tentatives de solution (médicament, rééducation, thérapie) déjà mises en place, et de leurs effets

°       Cocréation interactive des solutions

°       Individualisation des solutions

°       Motivation sur la mise en place des solutions dans l’espace-temps

°       Alliance sur la mise en œuvre des solutions

°       Suivi prédictif ou à la demande

 

Cet article concerne la procédure d’analyse des comportements-problèmes.

Analyse

°       Analyse des patrons-moteurs / comportements

°       Analyse des éléments bio-psycho-informatiques (émotions, cognition, sens…)

°       Analyse des éléments prédictibles

°       Analyse des éléments non-prédictibles, labilité émotionnelle, ou activation à l’âge adulte

 

Analyse des patrons-moteurs / comportements

Comment analyser les patrons-moteurs-comportements problématiques ?

 

°       Détermination quantitative du besoin (génétique) d’activité générale (énergie générale d’activité, EGA), et du surplus exprimé par le chien (par rapport à l’EGA) : la solution sera de satisfaire les besoins de quantité d’activité, par la formule d’activité : AG = Σ kAS

 Valeur de k : 1 pour les activités locomotrices, 3 pour les activités masticatoires, 5 pour les activités cognitives

°       Détermination des besoins (génétiques) de chaque patron-moteur (exprimé) en qualité, et en quantité minimale (énergie spécifique d’action, ESA) : la solution sera de satisfaire les PM spécifiques frustrés.

°       Détermination de la quantité des PM en surplus (excès) par rapport à l’ESA : la solution sera d’exprimer d’autres PM d’activité pour satisfaire le besoin d’activité générale. 

°       Détermination des effets de l’environnement et de l’apprentissage sur la satisfaction / frustration d’expression des PM : la solution viendra d’un aménagement de l’environnement

°       Détermination des effets de l’(auto)apprentissage dans la modification de l’assemblage des PM (comportements complexes) : la solution sera de modifier l’assemblage par ré-apprentissage ([contre]conditionnement)

°       Détermination de l’âge d’activation (apparition et/ou aggravation) des comportements-problèmes (et éléments psycho-bio-informatiques) et de leur cinétique d’évolution :

o   Activation entre (avant) la naissance et 2-3 mois : (épi)génétique

o   Activation entre 2 et 4 mois : (épi)génétique + imprégnation : les défauts d’imprégnation révèlent la génétique sous-jacente.

o   Activation à l’adolescence : génétique

o   Activation à l’âge adulte : organique, sur terrain (épi)génétique

o   Activation après (micro)traumatisme (trauma, agression, opération, anesthésie, hospitalisation…) : sensibilisation (neuropsy), sur terrain (épi)génétique, ou facilitation de l’épigénétique (de gènes divergents)

°       Détermination de l’impact (épi)génétique dans le phénotype : le % (épi)génétique est peu modifiable sauf par médication (à effet épigénétique ou neurologique) : on ne change pas un loup en mouton !

o   On peut changer le % épigénétique par la sélégiline (0,5 – 1 mg/kg) avant l’adolescence

o   Le % (épi)génétique augmente brusquement à l’adolescence, et ensuite chaque année suivante avec l’âge

o   Les psychotropes modifient la fonction neurologique sans toucher à l’épigénétique

o   Certains psychotropes, compléments alimentaires ou nutriments ont un effet épigénétique (surtout HDAC).

o  

 

Analyse des éléments bio-psycho-informatiques 

Analyse des éléments bio-psycho-informatiques : humeur, émotions, cognition, sens, personnalité :

 

°       Vérifier la fonctionnalité des sens : vision, audition, hypoesthésie (analgésie congénitale)

°       Vérifier si stabilité / variabilité (labilité) d’humeur, d’émotions, et des apprentissages

°       Vérifier si prédictibilité / imprédictibilité des comportements en fonction des contextes (dits) déclencheurs

°       Vérifier l’âge d’activation des problèmes / troubles (voir plus haut)

 

Prédictibilité

Si prédictibilité des réactions comportementales contextuelles, et si non-variabilité d’humeur :

 

°       Analyser où se situe le chien dans les triangles des émotions

o   Si trouble des émotions, si crise émotionnelle: possible médication adaptogène

°       Analyser où se situe le chien dans les cercles des humeurs

o   Si trouble de l’humeur : possible médication adaptogène

°       Déterminer les déclencheurs systématiques des émotions et (donc) des comportements

°       Déterminer la distance (de perte de contrôle, crise) du stimulus déclencheur de réaction : la solution est de réaliser des apprentissages de comportements alternatifs à distance de non-crise

°       Déterminer l’intensité (de perte de contrôle, crise) du stimulus déclencheur de réaction : la solution est de réaliser des apprentissages de comportements (alternatifs) à intensité de non-crise

°       Déterminer les comportements en crise émotionnelle : ils sont non modifiables : il faut d’abord mettre le chien au centre des triangles/cercles pour lui permettre d’apprendre

°       Si impossibilité d’apprentissage, par difficulté de gestion de la distance et/ou intensité du déclencheur : possible médication adaptogène

°       Si difficulté d’apprentissage : possible médication facilitant les apprentissages

°      

 

 

Non-prédictibilité, labilité émotionnelle, ou activation à l’âge adulte

Si variabilité d’humeur et/ou non-prédictibilité des comportements et/ou si trouble apparu à l’âge adulte : vérifier d’éventuels troubles organiques, consultez un(e) vétérinaire.

La labilité d’humeur et des émotions est typique des troubles de la personnalité limite (borderline), des troubles unipolaires, et bipolaires, et des crises neurologiques : émotionnelles (avec passage à l’acte), motrices (spastiques ou convulsives), douloureuses (migraine)…

Il faut gérer, guérir, les troubles organiques pour permettre l’homéostasie de l’organisme > fonction optimale du connectome > apprentissages.

Il est peu utile - et coûteux en temps, énergie, argent (et perte de chances de guérison) – de tenter des apprentissages, rééducations, thérapies sur des chiens en souffrance organique ou psychique.

 

Il faut suspecter :

°       Troubles hormonaux

o   Hypothyroïdie : dans 35% (Dr Joël Dehasse) à 63% (Dr Jean Dodds) des troubles de comportement

§  Évaluation clinique, questionnaire en ligne sur l’hypothyroïdie

§  Évaluation analytique dans le sang : T4, T4l, T3, T3l, cholestérol, zinc, cortisol, vit.D3.

§  Diagnostic par traitement test avec T4T3 10 mcg/kg bid, zinc 1 mg/kg, D3 50 ui/kg, hydrocortisone 0,25 mg/kg

o   Hypo-cortisol 

§  Fatigue du matin

§  Analyse de sang : cortisol (8-10h), éventuellement test de stimulation à l’ACTH

§  Diagnostic par traitement test : hydrocortisone à 0,25 mg/kg/matin

o   Hypersexualité par (hyper)androgénisme

§  chiens entiers ou gonadectomisés (castrés, stérilisés)

§  Peu de fiabilité et de validité des dosages sanguins de testostérone (libre), absence de possibilité de doser d’autres androgènes utiles : DHEA, androstanediol…

§  Suspicion clinique corrélée à (au changement de) la fréquence et/ou quantité des comportements sexuels / sexués suivants :
-marquage urinaire : en rue : tous les X mètres (en début de promenade) : X = 3, 5, 30, 100, > 100
-marquage urinaire suivi de grattage des pattes arrières
-reniflement, léchage des urines des chiens en rue, avec/sans salivation (flehmen)
-érections
-masturbation
-chevauchement agrippement : des chiens, de la jambe…
-reniflement du périnée: chiens et gens
-perte (ou variation) d'appétit pour les aliments habituels (croquettes)
-irritabilité pire le soir
-changement d'humeur : pire le matin et le soir
-gémissements de frustration / d'inactivité / sans raison
-vol de lingerie (non lavée : culottes, chaussettes)

§  Diagnostic par traitement test avec un bloqueur des récepteurs des androgènes (par exemple : cyprotérone 5-15 mg/kg bid), à forte dose, pendant 3 semaines.

o   Troubles du cycle sexuel chez la chienne : trouble de l’humeur (= dysphorie)

o   Dysphorie de l’œstrus et pré-œstrus (chaleurs)

o   Dysphorie de la pseudocyèse (6 semaines à 3 mois après les chaleurs)

o   Dysphorie du métœstrus (période entre 3 mois après les chaleurs et les chaleurs suivantes)

o   Autres hormones : prolactine, insuline…

 

°       Troubles inflammatoires et immunitaires (à tropisme) neurologique : méningo-encéphalite, myélite, radiculite, chronique, à un ensemble de différents microbes (souvent combinés) (en italique les microbes les plus retrouvés) :

o   Bactéries : Borrelia, Bartonella, Ehrlichia

o   Parasites : Toxoplasma 

o   Virus : maladie de Carré, TBEV (Virus de l’Encéphalite à Tiques) ou MEVE (Méningo-Encéphalite Verno-Estivale), Rage, Aujeszky, Borna

o   Champignons : Cryptococcus

o   Protozoaire : Néospora, Babésia

o   Inflammatoire, autoimmune : lupus…

 

°       Troubles neurologiques (autres) : diagnostic clinique et/ou scanner et/ou IRM :

o   Neurodégénérescence : démence sénile

o   Vasculaire : démence vasculaire, AVC…

o   Toxique, toxinique : encéphalose hépatique, métaux lourds

o   Tumeurs

o   Cause inconnue : méningoencéphalite nécrosante, méningoencéphalite granulomateuse…

o   Génétiques : SED (Ehlers Danlos), + voir les troubles neurogénétiques testables

o   Autres

 

°       Dysbiose et nutrigénétique

o   Suspicion de diagnostic par les signes de maldigestion : selles molles, gaz (pets, éructations), manger de l’herbe, bâillements fréquents, étirements fréquents

o   Calculer si la quantité de sucres (hydrates de carbone, amidon) dans la ration dépasse 10% en matière sèche.

o   Vérifier la présence de : Candida

o   Vérifier dans l’analyse de sang : les vitamines et minéraux

o   Vérifier dans l’analyse de sang : la zonuline, indicatrice de perméabilité intestinale

o   Analyse métagénomique du microbiome intestinal

o   Analyse des allergies et intolérances alimentaires

Test nutritionnel : monoprotéine

o   Autres …

 

Expérimentation des solutions

Les différentes analyses ci-dessus sont basées sur un modèle analytique qui n’a qu’un but : trouver des solutions efficaces, pour le rétablissement du bien-être des gens et des chiens.

Les (ré)solutions sont créées interactivement par le(s) coach(s) (vétérinaire, comportementaliste, éducateur…), le(s) client(s) (humain propriétaire, gardien, éducateur…) et le(s) chien(s) et…

C’est évidemment très joli de proposer des diagnostics et des solutions à partir d’un modèle analytique. A un moment, il faut passer à l’acte, tester ces solutions (théoriques), expérimenter.

Seule l’expérimentation des solutions permettra de vérifier si on arrive à améliorer le bien-être de quelqu’un dans le système thérapeutique. C’est par l’accompagnement de l’expérimentation des solutions que le coach va pouvoir guider le système vers la satisfaction des demandes. Et il va pouvoir vérifier si le modèle d’analyse est fonctionnel.  

 

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