Les Phobies

© Dr Joël Dehasse

Médecin vétérinaire comportementaliste
Version 1 du 21 janvier 2004

Table des matières

 

Introduction

La phobie est un trouble qui peut être très envahissant et handicapant, tant pour l’animal que pour ses propriétaires. La phobie doit être replacée dans son contexte émotionnel et cognitif pour mieux comprendre comment la gérer.


De nombreux éléments de ce texte sont extraits de: Dehasse J. Guide de Psychologie du Chat, Odile Jacob, Paris, 2005. 

 

Psychologie de la phobie et de la peur

La phobie, définition

La phobie est une ‘peur’ en présence d’un stimulus objectivable (a priori) non dangereux, sans habituation lors de présentation répétée.
Il faut définir certains termes, tels que peur, stimulus non dangereux, habituation.

La peur

Définition

La peur est une émotion et une réaction (sensitive, cognitive, physiologique et motrice) face à un danger (réel ou imaginaire).
La peur est une émotion fondamentale lorsque le danger est réel ; la peur est une émotion secondaire quand le danger est potentiel ; elle dépend en effet de l’état interne et des cognitions d’anticipation de danger, d’appréhension.
La peur peut être située dans un continuum d’intensité, dont voici quelques exemples :

Surprise - appréhension, inquiétude – alarme - crainte – peur – panique, terreur, épouvante, détresse.

La surprise est une réaction de peur limitée avec arrêt momentané, immobilisation. La surprise est toujours une émotion fondamentale.
La crainte est, en éthologie, la peur dépendante d’une menace concrète[1]. Même si la menace est concrète, elle doit être reconnue comme une menace et dépend dès lors de l’état interne, l’aspect objectif et concret de la menace dépendant de l’interprétation de chaque individu.
Exemples de  crainte-peur chez le chaton ou le chiot: bruit violent soudain, attaque par un prédateur, éloignement du gîte, perte de la mère, douleur intense, noyade, mais aussi exposition au vide…

 

Peur et sécurité de l’Ego

Le danger est l’antonyme de la sécurité. Il y a une relation étroite entre la peur et la distance considérée par l’animal comme permettant de garantir sa sécurité. Il y a trois distances qui déclenchent des réactions de peur progressivement plus intenses :

  • la distance de sécurité 

  • la distance critique 

  • le périmètre corporel.

Toute perception d’une intrusion dans ces espaces déclenche une réaction de vigilance, une émotion de peur (d’intensité variable suivant la distance) et des stratégies comportementales d’autoprotection. Par exemple, un chien/chat sur lequel un propriétaire s’est fâché peut désormais éviter tout contact avec lui.
La fonction de la peur est de permettre à l’individu de gérer sa sécurité. La Nature a sélectionné les chiens et les chats (chevaux…) qui avaient peur ; ceux qui n’avaient pas assez peur n’ont pu survivre ni se reproduire ; ceux qui avaient trop peur ne purent rencontrer le partenaire sexuel et avoir une descendance.

 

Réactions psychomotrices de la peur

Les réactions comportementales

Les réactions comportementales classiques de peur dépendent si le contexte est social ou non. Si le contexte n’est pas social, c’est à dire n’est pas lié à un individu auquel l’animal a été socialisé, les comportements observés sont

  • La fuite (Flight)

  • L’immobilisation (Freeze)

  • L’agression d’autodéfense (Fight)

 Dans un contexte social, on observe en plus :

  • La communication sociale (Flirt-social)

La communication sociale apparaît dans les cas de peur modérée.
Les réactions préférées dépendent de la personnalité. L’animal réactif-passif préférera la fuite si le stimulus menaçant est distant et l’agression d’autodéfense (par peur) si la fuite n’est pas possible ; l’animal proactif préférera l’agression de distancement et l’agression d’autodéfense.
En plus des réactions motrices, on observe une physionomie particulière de la peur, exprimée par :

  • La posture corporelle basse

  • Les expressions faciales liées aux micro-mouvements de la face…

  • La posture basse de la queue et son absence de mouvements

  • Les réactions neurovégétatives de transpiration des coussinets, de vidange éventuelle des glandes anales, d’accélération cardiaque (peu visible) et respiratoire, les éliminations urinaires involontaires…

 La variété de ces manifestations nécessite l’aspect cognitif de la peur: les catégorisations, les reconnaissances, les régulations des actions.

La peur diminue la douleur 

La peur – le stress – entraîne une analgésie transitoire. La peur intense provoque une analgésie opioïde, c’est à dire de réduction voire suppression de la douleur en relation avec la libération de morphines endogènes : la bêta-endorphine et les enképhalines. Une peur modérée induit une analgésie non-opioïde. La peur diminue la douleur. Pourquoi ? La peur prépare à l’action de préserver la survie de l’être ; la douleur bloque l’action et facilite l’inaction ; bloquer la douleur permet la réalisation de l’action[2].
Par exemple, de nombreux chats accidentés (par une voiture, mordus par un chien) continuent de courir quelques dizaines de mètres avant de s’écrouler (bloqués par la douleur) dans les fourrés.

 

La détresse acquise

Le modèle expérimental de détresse acquise est un exemple de l’inhibition de l’action.
Si on place un animal dans une situation expérimentale aversive dont il ne peut pas s’échapper, il apprend parfois à ne plus jamais s’échapper.
L’expérience consistait à mettre un chien dans une cage avec un plancher électrifié sans possibilité d’y échapper.
Tous les chiens ne développent pas cette détresse acquise ; en effet un tiers d’entre eux reste parfaitement capable d’éviter les chocs une fois mis dans une situation qui le permet. Parmi un groupe de chiens n’ayant pas participé à l’expérience, seulement 5 pour-cent développe une détresse acquise contre 66 pour-cent dans le groupe expérimental.[3]
Il y a des similitudes entre détresse acquise et dépression, notamment dans l’inhibition de l’action. Il y aussi une similitude avec l’immobilisation, le blocage comportemental (‘freezing’) sauf que ce dernier est ici de longue durée et généralisé aux situations qui créent de la souffrance physique.
On observe de nombreux animaux dont la stratégie est de s’immobiliser quelle que soit la manipulation. Ces animaux sont un rêve pour le vétérinaire puisqu’ils se laissent tout faire sans réagir ; cependant leur niveau de détresse peut être très élevé, comme l’atteste parfois la transpiration des coussinets et le ralentissement ou l’accélération cardiaque.

 

Les troubles de la peur

Les pathologies de la peur sont la phobie, le trouble panique, l’anxiété et le syndrome post-traumatique. Il n’y a pas de chiffre pour le chien ou le chat mais chez l’enfant 23 pour-cent des peurs infantiles cachent une maladie anxieuse[4].

  • La phobie est une peur secondaire qui ne s’améliore pas par habituation. Au contraire, malgré exposition répétée aux stimuli déclencheurs, la phobie se maintient et parfois s’aggrave.

  • Le trouble - ou la crise de - panique est une réaction de peur explosive, non contrôlée, entraînant une réaction d’immobilisation avec tremblements ou de fuite éperdue.

  • L’anxiété (généralisée) est une peur secondaire chronique (trouble de l’humeur) avec anticipation et appréhension et apparition plus fréquente et plus intense de surprises, de craintes, de peurs fondamentales et de peurs secondaires.

  • Le syndrome post-traumatique est un état de peur chronique secondaire à un traumatisme, accompagné de cauchemars.

 

Stimulus non dangereux

La peur est une cognition qui nécessite la reconnaissance du caractère de dangerosité d’un stimulus.

Cette reconnaissance dépend des capacités cognitives de représentation[5] de l’animal:

  • Niveau 1 : couplage temporel et spatial : conditionnement classique et opérant

  • Niveau 2 : comparaison des similitudes et des différences : familier/non-familier…

  • Niveau 3 : relations d’appartenance et d’ordre : classes et concepts comme identité d’espèce ou espèce amie

  • Niveau 4 : opérateurs logiques

 L’évaluation de la dangerosité du stimulus dépend également de la croyance[6] (représentation distincte du désir) liée aux dispositions intentionnelles. L’animal attribue au stimulus phobogène des intentions menaçantes.
On peut imaginer que la gestion de la peur dépend de la capacité cognitive de l’animal, non pas sur sa compétence à raisonner sa peur, mais surtout sur son niveau de reconnaissance. Cela donnera des répercussions sur l’évolution de la peur et de son traitement. En d’autres mots, pour une phobie spécifique, un animal ‘stupide’ a moins de probabilité de s’améliorer qu’un animal ‘intelligent’. Je parle ici d’intelligence émotionnelle[7].

 

Habituation

L’habituation est la capacité d’apprendre à ne pas réagir à certains stimuli. Elle entraîne une diminution relativement permanente d’une réponse comportementale à la suite de la présentation répétée d’une stimulation.
L’habituation est donc l’association d’une représentation (percept) avec une non-réponse émotionnelle et une non-réponse comportementale. C’est dire que l’animal reste serein malgré la présence d’un stimulus dans l’environnement.
L’habituation se retrouve systématiquement lorsqu’un stimulus est répétitif et sans conséquence  déplaisante pour le bien-être de l’individu. La caractéristique déplaisante dépend bien entendu des croyances et des humeurs de l’animal. Un animal anxieux est aux aguets de tout ce qui peut lui faire peur et s’habituera moins vite qu’un animal joyeux.
C’est tout le contraire chez l’animal phobique qui se sensibilise aux stimuli.
En corollaire, la stratégie thérapeutique insistera sur les conditions de confort (thérapie cognitive, thérapie de l’humeur) pour permettre l’habituation et la ré-habituation.

Intensité de l’émotion/réaction en fonction du temps


Le graphique donne les caractéristiques essentielles pour comprendre le développement de la sensibilisation et de  l’habituation.
A stimulus constant, la réaction émotionnelle augmente avant d’atteindre un palier et ensuite de décroître (voir la courbe en trait plein).
Si l’animal échappe au stimulus en phase croissante, il se sensibilise. S’il s’en distancie en phase décroissante, il s’habitue.

 

Nosographie de la phobie

La phobie est :

  • Un symptôme quand il est un élément d’un tableau complexe

  • Un syndrome (trouble) quand il est l’élément principal du tableau clinique.

 

Les troubles anxieux

Les troubles anxieux sont caractérisés par des comportements et postures d’autodéfense (évitement, échappement/fuite, agression d’autodéfense, immobilité, apaisement) combinés avec, soit une hyperréactivité neurovégétative, de l’hypervigilance et/ou des activités substitutives.
 
Les troubles anxieux regroupent les attaques de panique, les phobies, le trouble anxiété généralisée, les troubles anxieux spécifiques…

 

Phobies simples

La phobie est une peur en présence d’un stimulus objectivable a priori non dangereux, sans habituation lors de présentation répétée. Les comportements de peur sont typiquement la fuite, l’immobilisation, l’agression d’autodéfense et la tentative de communication sociale.
La peur devient une maladie lorsque l’animal ne s’habitue pas aux stimuli déclencheurs présents régulièrement dans son environnement.
La peur est souvent considérée comme un comportement tout à fait normal (et attendu) chez le chat ou le cheval, qui est un animal de fuite !

Critères de diagnostic 

A. Peur (pathologique) marquée et persistante déclenchée par la présence ou l’anticipation d’un stimulus spécifique (être vivant, objet ou situation) et résistante au processus d’habituation (par exposition répétée).

B. L’exposition (confrontation) au stimulus phobogène provoque un comportement de peur immédiat, qui peut prendre la forme d’une immobilisation (inhibition), d’un rapprochement (et agrippement) aux figures d’attachement (propriétaires), de vocalisation de détresse, de tentatives frénétiques de fuite, signes neurovégétatifs (transpiration, éliminations par peur…), de conduites d’apaisement, d’agression par peur ou d’activités de substitution (léchages…).

C. La peur est excessive et non adaptée au danger (réel) du stimulus.

D. La situation phobogène est soit évitée ou endurée avec une détresse intense.

E. Spécifier le type (catégorie) du stimulus:

  • Bruit : explosions, coups de feu, orage, feux d’artifice, etc.

  • Humains: enfants, adultes, femmes, hommes, etc.

  • Animaux: spécifier le type d’animal et les situations.

  • Situation : transport en voiture, vétérinaire, etc.

  • Autres:  spécifier le stimulus déclencheur apparent.

  • Généralisation : la peur inclut la plupart des situations avec le stimulus déclencheur type, ainsi que les stimuli qui peuvent y être corrélés (ou synchronisés), par exemple l’orage, la pluie, l’obscurcissement du ciel, etc. 

 

Étiologie

Les causes principales de la peur peuvent être phylogénétique (hérédité, personnalité) et/ou ontogénique (développement, imprégnation comme un syndrome de privation) et/ou traumatique et/ou endogène (neurologique, endocrinienne…).

Évolution

Souvent, la phobie simple reste stable, parfois elle subit le processus de généralisation. Comme elle accompagne fréquemment un autre état anxieux (trouble anxiété généralisée) ou un trouble de l’humeur (dépression), il n’est pas aisé de déterminer quel trouble subit une évolution vers l’aggravation.

 

Phobies Multiples

Le trouble « Phobies Multiples » est constitué de plusieurs phobies (simples) déclenchées par des stimuli de catégories différentes.
Les critères de diagnostic sont les mêmes que pour le Trouble Phobie Simple, mais il y a plus d’un type de stimulus déclencheur. Le Trouble Phobies Multiples peut évoluer vers un Trouble Anxiété Généralisée, à moins qu’il n’y soit déjà associé.

 

Phobie Sociale

La Phobie Sociale est une réaction phobique dont le stimulus déclencheur est (l’anticipation d’) une interaction sociale spécifique, sans atteinte aux autres interactions sociales ni autres contextes de vie. Il ne s’agit pas de la phobie à un individu particulier (ou une catégorie d’individus) auquel l’animal n’a pas été socialisé (Phobie simple), mais bien d’une interaction sociale (regard, approche, toucher, caresse, etc.) avec un individu (une catégorie d’individus) avec lequel l’animal a été socialisé. Cette peur peut apparaître après traumatisme ou lors de développement d’une croyance d’une cause extérieure (tel qu’un humain) lors d’une situation de douleur.

Critères de diagnostic

A. Peur marquée et persistante – résistante au processus d’habituation – par anticipation ou exposition à une ou plusieurs interactions (ou situations) sociales (regard, touché, approche…) au cours desquelles l’animal est confronté à des individus non familiers et non dangereux (en général des personnes).

B. L’exposition à l’interaction phobogène provoque un comportement de peur immédiate, qui peut prendre les formes habituelles (voir Phobie Simple).

C. La peur est excessive et inadaptée au danger (objectif) que présente le stimulus.

D. La situation phobogène est soit évitée ou endurée avec une détresse intense.

G. Spécifier le type:

  • Type intraspécifique: le stimulus est une interaction sociale avec un individu de la même espèce, par exemple pour le chat, le regard fixe d’un chat du groupe…

  • Type interspécifique envers des comportements sociaux personnes d’une catégorie spécifique, tells que les enfants, les femmes, les personnes âgées, etc.

  • Type interspécifique envers d’autres catégories animales auxquelles l’animal a été socialise.

  • Type généralisé: la peur inclut la majorité des situations sociales avec la catégorie spécifique d’individu phobogène et, parfois, plusieurs catégories d’individus.

  • Type induit par la douleur : les symptômes de peur sont  déclenchés par la présence de personnes familières (généralement la personne qui a le plus d’attachement pour le chat et se dévoue pour le soigner) ou autres personnes qui sont dans le voisinage immédiat de l’animal au moment d’un accès douloureux, au moment de l’administration d’un traitement douloureux ou lors de manipulation douloureuse.

Il s’agit généralement d’une association d’un conditionnement classique (pavlovien) et émotionnel avec une croyance et/ou (l’anticipation d’) une situation déplaisante (et douloureuse) et d’un conditionnement opérant. 

Étiologie

Les phobies sociales ont aussi une origine phylogénétique (personnalité), ontogénique (imprégnation) et/ou traumatique.

Évolution

Lorsque la phobie sociale inclut des comportements d’agression (de distancement, par irritation, etc.), elle évolue facilement vers de l’hyperagression.

 

Les troubles socio-territoriaux

Les troubles de la cohabitation entre chats

Les chats ne sont pas spécialement adaptés pour vivre ensemble. Quand ils doivent cohabiter, ils  peuvent présenter différents types de dégradation de leurs états émotionnels et de leurs compétences de communication. Ce trouble affecte au minimum deux chats qui présentent des comportements complémentaires. Il s’agit d’un trouble systémique. Si un seul chat est affecté dans un groupe, on pensera d’avantage à une Phobie Sociale. Dans la nosographie ci-dessous, le chat ‘victime’ devient phobique et anxieux (en phase 2 et 3).

Critères de diagnostic

A. Les symptômes apparaissent chez des chats vivant en groupe (de chats), dans lequel il a pu y avoir un changement de structure, de composition, ou une modification des interactions sociales, telles que l’arrivée d’un nouveau chat, le retour d’un chat qui était hospitalisé/anesthésié, la présence d’un chat malade, anxieux, hyperactif, vieillissant, confus, des attaques redirigés etc.  ou même rien d’objectivable.

B. Il y a des symptômes typiques de peur ou d’anxiété tels que spécifiés dans le Trouble Anxiété Généralisée ou d’un Trouble Compulsif chez un, ou plusieurs, chats

C. Il y a dans le groupe (au moins) un chat victime (récepteur des agressions) et un (ou plusieurs lors d’une situation de mobbing) chat taquin (émetteur des taquineries, des agressions, des harcèlements). Tous deux peuvent souffrir du trouble.

D. spécifier l’état d’évolution de la relation[8]:

  1. Méfiance: dans la première phase,  les deux chats se distancent l’un de l’autre, et restent à l’écart dans leurs champs territoriaux d’isolement ; leurs rencontres sont ponctuées de menaces vocales mutuelles. Cette phase n’est pas pathologique.

  2. Escarmouches: dans la deuxième phase, le chat taquin a tendance à envahir les champs d’isolement du chat victime, à s’imposer à lui, à le regarder fixement ;  le chat victime a une propension à s’échapper (fuir) et est attaqué par le chat taquin, qui le poursuit souvent.

  3. Obsession: le chat taquin a tendance à passer dans un état “hyper” et compulsif (hypervigilance, hypersensibilité, hyperactivité, rolling skin, tressaillements de la queue, agression redirigée sur des objets et les humains qui se trouvent à proximité, alopécie de léchage localisée, marquage urinaire, ...) et envahit les champs d’isolement, d’alimentation et surtout d’éliminations (avec en conséquence des souillures) du chat victime ; ce dernier est inhibé, figé, s’isole, se cache (en dessous ou au-dessus du mobilier) et présente de l’agression d’autodéfense (de distancement, par irritation, par peur), des éliminations par peur (au point d’éliminer sous lui), vidange du sacs anaux, du léchage stéréotypé (générant éventuellement des alopécies extensives), etc.

Étiologie

La prédisposition est la non-socabilité du chat en tant qu’espèce et de certains chats en particulier. Le déclencheur est la perception (ou la croyance) par un ou plusieurs chats d’une modification des relations sociales au sein d’un groupe de chats.
Il n’est pas exclu que des facteurs génétiques jouent un certain rôle : le chat victime est souvent la cible d’agaceries de la part des autres chats du groupe ; contrairement à un chat indifférent, le chat victime est co-auteur du problème relationnel, il a une propension à réagir en crachant et en fuyant, ce qui active les comportements de poursuite des autres chats.

Évolution

Généralement, la situation évolue de la phase 1 à la phase 3. Elle peut rester stable à chaque phase. Lors de dégradation, le chat-victime souffre d’anxiété, voire de dépression, le chat harceleur souffre souvent de trouble compulsif.
Parfois, le trouble semble intermittent. Dans ce cas, vérifier si un des deux chats ne souffre pas d’un trouble de l’humeur, par exemple de type ‘hyper’ (unipolaire).

 

Autres troubles

Les phobies interviennent comme symptôme accessoire dans de nombreux troubles.

 

Questions de nosographie

Certains troubles sont classés dans d’autres catégories et pourraient être considérés comme des phobies :

  • Anxiété de séparation-solitude : anxiété ou phobie ?

 La phobie du syndrome de privation[9] est classée comme phobie ontogénique. Or c’est oublier la résilience et, donc, les facteurs liés à la personnalité (génétique).

Pathogenèse de la phobie

Il y a de multiples facteurs qui se combinent pour engendrer des maladies psychologiques (psychiatriques) et psychosomatiques :

  • La génétique

  • Les facteurs biologiques exogènes : virus, bactéries, parasites

  • Les facteurs biologiques endogènes : système endocrinien, nerveux…

  • Les facteurs chimiques exogènes : toxiques, toxines

  • Les facteurs chimiques endogènes

  • Facteurs psychologiques

  • Facteurs systémiques et environnementaux

 Je n’ai pas l’intention de donner ci-dessous une liste exhaustive de tous ces facteurs. Quelques exemples devraient donner une idée générale.

 

La génétique de la peur

Au début du 20e siècle, des scientifiques parlaient du gène de la peur des coups de bâtons et des coups de fusil chez le chien. Même si l’hypothèse semble farfelue lorsqu’on connaît quelques éléments de génétique, elle reste néanmoins intéressante. Cela pose la question des peurs innées :

  • Peur du vide

  • Peur des prédateurs : comment et pourquoi une souris a-t-elle peur du chat et un chat d’un chien ?  Qui a la réponse ?

 Les mutations génétiques et des sélections permettent d’obtenir des lignées anxieuses et phobiques, par exemple les Pointers anxieux de l’Arkansas.

Les facteurs biologiques exogènes : virus, bactéries, parasites

Dans l’infection rabique a été décrite la peur phobique de l’eau.
On ne peut exclure aucun facteur dans le développement de phobies.

Les facteurs biologiques endogènes : système endocrinien, nerveux…

Les réactions de panique et les phobies de l’hypothyroïdie et hyperthyroïdie et de la démence sénile sont bien connues.

Les facteurs chimiques exogènes : toxiques, toxines

Les peurs – et phobies résultant de ces peurs – développées sous emploi (passif) de marijuana, de médicaments, d’anesthésiques dissociatifs… sont observées cliniquement.

Les facteurs chimiques endogènes

Il n’est pas exclu que les processus liés à une altération métabolique facilitent le développement des phobies.

Facteurs psychologiques

Je citerai quelques facteurs qui peuvent favoriser les peurs et les phobies : hyperattachement, détachement pathologique, douleur, défaut d’imprégnation et de socialisation, imitation d’un animal ou humain craintif, excès d’inhibition, instrumentalisation, sensibilisation, stress…

Facteurs environnementaux et systémiques

Les facteurs environnementaux sont surtout liés à l’écologie, à l’espace dans lequel l’animal doit évoluer. Cet espace est très important pour le chat, par exemple, qui doit organiser ses champs territoriaux pour réduire le stress. Dans ce domaine, un environnement trop stimulant et un environnement trop pauvre (ennuyeux) sont tous deux inducteurs de stress, donc de vigilance et facilitateurs des phobies.
Les facteurs systémiques sont surtout liés aux êtres vivants qui cohabitent et influencent l’animal. Une analyse de toutes les relations sociales dans le système (familial) est nécessaire pour décoder ces facteurs.

 

Traitement et thérapie : objectifs

La phobie est une affection très handicapante pour l’animal et les propriétaires, parfois plus qu’une anxiété ou une dépression, surtout si le stimulus déclencheur est omniprésent.
Plusieurs facteurs interviennent pour déterminer l’intensité du handicap et la longueur de la Importance du facteur personnalité par rapport au facteur environnemental

  • Probabilité de rencontrer le stimulus phobogène

  • Présence d’une autre pathologie psychiatrique invalidante

  • Etat de motivation des individus (animaux et humains) du système particulièrement s’ils sont désireux, prêts et aptes au (processus de) changement.

Certaines phobies sont maîtrisables sans être curables, par exemple la phobie de l’orage quand l’animal est malade des changements de pression et d’ionisation atmosphérique, quand des facteurs génétiques sont en jeu… 

 

Traitement médicamenteux de l’animal phobique

Sans revenir sur l’ensemble des considérations à envisager lors de l’élaboration d’une stratégie de traitement médicamenteux des phobies, je vais donner quelques points clés.

Traitement ponctuel ou chronique

La phobie est une affection chronique à expressions ponctuelles, dépendant de la présence du déclencheur. Voici quelques indications :

  • Déclencheur rarement présent : médicament antiphobique ou sédatif ponctuel, isolement…

  • Déclencheur omniprésent : médicament administré en chronique associé à des thérapies.

  • Déclencheur de présence variable : stratégie à décider suivant le bien-être animal et celui des propriétaires

 

Choix des médicaments

Certains médicaments sont plus efficaces que d’autres sur la peur.

Efficacité des médicaments sur le symptôme ‘phobie’

Alprazolam

+++

 

Fluoxétine

+

Amitriptyline

+

 

Fluvoxamine

+

Apaisine canine

++

 

Miansérine

++

Clomipramine

+

 

Phénobarbital

+

Cyprotérone

-

 

Pipampérone

+

FeliwayR

+

 

Sélégiline

+

FelifriendR

+

 

Sertraline

++++

L’évaluation de cette efficacité est totalement subjective et ne repose sur aucune étude statistique. Chacun peut avoir une expérience différente.
Les doses sont connues[10].

Durée

La durée du traitement dépend de l’habituation (voir graphique).
En absence de thérapie volontaire, l’habituation peut se faire spontanément en présence du stimulus déclencheur (thérapie d’immersion non volontaire). C’est le cas de la phobie pour un individu membre du système.

 

Thérapies de la phobie

S’il n’y avait qu’une thérapie, ce serait la confrontation jusqu’au changement de la croyance. C’est ce qu’il faut organiser.

 

Thérapie cognitive

Comment arriver à changer la croyance que le stimulus, que l’animal croit dangereux, est en fait inoffensif et supportable ?

Thérapie par le jeu

La thérapie par le jeu a pour intention de changer l’état affectif de l’animal lors d’un trouble psychologique. Pour cela il faut que l’animal soit encore capable de jouer et/ou que le jeu proposé soit extrêmement motivant.

Le jeu activateur

Il s’agit de motiver l’animal en inhibition (dépression) à s’activer.

Le jeu disruptif

L’intention est de stopper une activité problématique et de rediriger l’énergie de l’activité dans un jeu.

Le jeu resocialisant

L’intention est de permettre le rapprochement social par l’intermédiaire du jeu.

 

Thérapie comportementale

La thérapie comportementale agit indirectement ou directement sur les comportements afin de modifier ces derniers mais, aussi, afin de modifier les émotions, les cognitions, les perceptions, voire l’humeur de l’animal.

Action sur les stimuli déclencheurs

Désensibilisation (systématique)

La désensibilisation est une exposition à un stimulus déclencheur d’intensité croissante tout en utilisant des techniques de relaxation du patient. Il y a plusieurs conditions à remplir pour la réussite de cette méthode :

  • Le stimulus est bien identifiable

  • L’intensité du stimulus est manipulable

  • L’animal est mis dans une humeur plaisante et confortable, par exemple par un jeu ou avec un repas appétissant

  • L’animal est exposé au stimulus de très faible intensité pendant un temps déterminé par l’expert

  • L’intensité du stimulus est augmentée chaque fois que l’animal a réussi à maîtriser le stade antérieur, c’est à dire à rester paisible, sans émotion forte (peur, colère…)L’intensité du stimulus est baissée chaque fois que l’animal manifeste des signes de stress

  • L’ensemble de la thérapie se fait en prenant tout son temps, généralement en plusieurs semaines

 Je vous donne ci-dessous quelques exemples. La technique que j’utilise actuellement est modifiée en ‘immersion contrôlée’.

La phobie des bruits d’explosion

Si l’animal a peur des bruits d’explosion, de coups de feu, de pétards…, on peut le désensibiliser. Le stimulus est manipulable. On peut en effet utiliser

  • un cd de bruitage avec des bruits d’explosion ;

  • une feuille de plastique d’emballage à bulles d’air, dont on fait éclater les bulles ;

  • un pistolet pour enfant et en diminuer le bruit en étant à distance (50 m) ou en étouffant le bruit en emmaillotant le pistolet dans des chiffons (qui vont réduire et assourdir le bruit d’explosion) ;

  • des sacs en papier que l’on gonfle et éclate…

La procédure la plus simple est de commencer par le cd de bruitage à l’intérieur de la maison, au calme, tout l’environnement étant sous contrôle, et de passer ensuite aux vrais bruits, les sacs en papier, des ballons en caoutchouc, le pistolet d’enfant.

La peur de l’orage

L’orage déclenche des peurs chez de nombreux animaux; il s’agit d’une manifestation atmosphérique impressionnante et non contrôlable. Sa durée généralement courte et sa forte intensité ne permettent pas au processus d’habituation de prendre place. Dans certains cas, l’animal anticipe l’orage à l’assombrissement du ciel ou en ressentant dans son corps les effets de la baisse de pression et de l’ionisation de l’air.

Le stimulus ‘orage’ peut être décomposé en différents éléments : ciel sombre, éclairs, tonnerre, baisse de pression, ionisation positive de l’air. En désensibilisation, on peut travailler sur les composantes suivantes, d’abord séparées, ensuite combinées :

  • Tonnerre : utilisation d’un cd de bruitage

  • Éclair : utilisation de flash photographique

  • Assombrissement du ciel : fermer tentures et volets

 On peut réduire de cette façon les manifestations de peur sans supprimer totalement l’inquiétude de l’animal.

Le trouble de cohabitation intraspécifique (chat)

Dans le trouble de cohabitation, deux chats (ou plus) sont sensibilisés l’un à l’autre ; l’un est passif et phobique fuyant, l’autre est actif et compulsif agressif proactif. Le chat passif fuit, le chat actif poursuit.

Il est possible d’exposer les deux chats l’un à l’autre, mais pour cela il faut empêcher la fuite et la poursuite. On peut le faire en mettant chaque chat – ou seulement le chat actif – seul dans un panier de transport ou une cage.

  • Les chats sont isolés d’un de l’autre et vivent dans des pièces séparées

  • Les cages sont tenues à distance et on rapproche progressivement les cages l’une de l’autre jusqu’à ce qu’elles se touchent. On ne rapproche les cages que lorsque les chats sont calmes, qu’ils ne soufflent ni ne crachent plus.

  • L’étape suivante est de sortir les chats des cages et le les mettre en présence l’un de l’autre en laisse (et harnais) à distance progressivement plus courte, tout en les déstressant par des jeux ou un repas.

 On peut aussi contreconditionner les chats par clicker training.

L’animal agressif au contact

L’animal agressif au contact est peu tolérant à la caresse et au brossage. C’est donc un animal qui a peur ou est en colère lors du contact ou de l’anticipation du contact, de façon générale ou sur une partie particulière du corps.

Le contact est un stimulus gérable en intensité, durée et localisation.

La procédure nécessite de déterminer autant que possible le moment où l’animal va agresser : on peut voir une dilatation des pupilles, une agitation de la queue (avec des secousses chez le chat), un raidissement corporel, parfois des vocalises (grognements, miaulements et crachements chez le chat). Il est important d’arrêter tout contact au moindre signe de stress et de distraire l’animal par un jouet ou un aliment (jambon…).

Je vous donne ci-dessous une procédure pour le chat :

  • On commence par approcher la main du visage du chat; cette approche doit être franche et directe ;en effet une approche lente et hésitante entraînerait un risque d’agression.

  • Ensuite, une fois l’approche acceptée, on touche le chat au niveau du coin des lèvres et on le caresse vers les oreilles, une seule fois.

  • Quand le chat accepte l’approche et une caresse de la face, on augmente le nombre de caresses de la face et on étend la caresse du dessous de l’oreille vers le cou.

  • Une fois acceptée la caresse de la lèvre à l’oreille au cou, on prolonge la caresse sur les côtes. De là, on descend vers le dos et/ou vers les épaules et le bras.

  • On ne touche le ventre que quand le chat accepte le contact avec le reste du corps, y compris les pattes.

Contreconditionnement classique

La désensibilisation est, en fait, aussi un contreconditionnement classique si elle associe une nouvelle humeur au stimulus déclencheur, humeur qui est incompatible avec l’humeur originale, telle que la joie, le jeu ou ingérer une nourriture appétissante, qui est incompatible avec la peur ou la colère.

 

Action sur les conséquences

Tout comportement persiste parce que ses conséquences sont favorables pour l’animal. C’est la base de l’apprentissage par conditionnement opérant. Les conséquences sont internes, telles que la satisfaction des besoins, ou les conséquences sont externes, telles que l’acquisition de plaisir ou la suppression de déplaisir ou de la peur. L’animal phobique cherche à éviter la situation stressante ou à la fuir, ce qui l’empêche de s’habituer. La thérapie vise à l’empêcher d’échapper à la situation tout en permettant l’apprentissage.

Extinction

L’extinction est la procédure qui supprime la conséquence positive d’un comportement. Dans le cas d’une phobie, il faut empêcher l’échappement.

Punition

La punition est une conséquence aversive (désagréable) qui fait suite à un comportement et qui réduit la probabilité de ce comportement. Théoriquement, il faudrait rendre l’échappement ou l’agression de distancement plus désagréable que la confrontation. Cette technique est réalisable avec l’agression de distancement. Elle ne réduit pas la peur mais modifie la stratégie comportementale de l’animal. Il faut toujours donner à l’animal une indication sur ce qu’il peut faire (contreconditionnement).

Exemple : chien avec phobie sociale et agression de distancement : utilisation du Master Plus®/Spray Commander®.

Renforcement positif

Le renforcement positif est la méthode qui augmente la probabilité d’un comportement. Dans le cas d’une phobie, si on veut éviter l’échappement ou l’agression de distancement, on renforcera positivement le comportement opposé.

Façonnement

Le façonnement est l’apprentissage progressif par approximations successives d’une séquence comportementale complète avec renforcement positif. Le façonnement est utilisable pour reconstruire un comportement d’approche d’un stimulus particulier.

 

Action sur le comportement, le déclencheur et les conséquences

Immersion (contrôlée)

La technique d’immersion (flooding) est une des plus efficace thérapie que je connaisse. Elle consiste à forcer l’animal à endurer le stimulus déclencheur jusqu’à ce qu’il montre des signes d’apaisement. J’ai modifié cette technique en ‘immersion contrôlée’ parce que je contrôle le stimulus déclencheur et le manipule comme dans une désensibilisation. L’immersion contrôlée est une désensibilisation de longue durée, jusqu’à ce que l’animal montre des signes de soulagement ou calme émotionnel. L’utilisation du déclencheur à faible intensité facilite la vitesse d’adaptation de l’animal. Il est toujours recommandé de changer l’humeur du patient par des jeux mais ce n’est pas indispensable.
Si je reprends l’exemple du chat/chien qui est phobique des bruits d’explosion, j’utiliserai le cd en continu toute la journée, à bas volume, et ensuite à volume croissant. L’habituation est beaucoup plus rapide qu’avec les séances de désensibilisation séparées et répétées.
Un exemple plus impressionnant est donné par les chats harets que l’on veut socialiser aux humains. le chat, jeune ou adulte, est mis en cage en permanence à proximité des humains et s’y habitue. Le chaton est tenu dans les bras, touché, caressé ; en trois jours il ronronne dans les bras !

L’immersion contrôlée gère :

  • Le déclencheur : contrôle de l’intensité du stimulus déclencheur

  • Le comportement : empêchement de la fuite, l’animal est contraint de subir le stimulus

  • Les conséquences : l’animal est libéré lorsque le désagrément (interne, le stress) est réduit ; l’expérience se termine en situation de moindre-stress, une forme de renforcement positif.

Les effets de l’immersion contrôlée sont que l’animal subit la prochaine exposition au stimulus avec des désagréments moins intenses et moins durables. Le retour à l’équilibre est plus rapide. La répétition de l’immersion contrôlée, avec un stimulus progressivement plus intense, permet de réduire progressivement le stress de l’animal tant en durée qu’en intensité.

Contreconditionnement instrumental

Le contreconditionnement instrumental est un nouveau conditionnement qui remplace le précédent.  Si un comportement est gênant (pour les propriétaires) ou pathologique (pour l’animal), on tente de le remplacer par un autre comportement moins gênant ou adaptatif.
La terminologie contreconditionnement n’est pas heureuse : en effet un conditionnement est une habitude, un réflexe, en somme pas une façon d’être très adaptative puisque la réaction est toujours la même. Idéalement, on donne à l’animal plus d’adaptation, plus de possibilités d’action, plus de choix de décision.
La base de cette technique est d’apprendre de nouveaux comportements afin d’augmenter les choix d’adaptation de l’individu. C’est la seule technique qui se base sur l’hypothèse que si l’animal se comporte d’une certaine façon, c’est qu’il n’a probablement pas d’autre façon de faire ; dès lors si on lui apprend une nouvelle façon d’agir, on l’enrichit et on augmente ses capacités d’adaptation. La technique de punition, par exemple, n’apprend jamais à mieux se comporter ; elle attend que l’animal invente de nouveaux comportements au hasard. Le contreconditionnement dit à l’animal ce qu’il peut faire.
La technique de base est de réduire la probabilité d’un comportement et d’augmenter la probabilité d’un autre comportement, incompatible avec le premier.
La seule difficulté de cette technique est que, pour créer de nouvelles habitudes, il faut répéter le nouveau comportement très souvent. J’annonce généralement de 500 à 1000 répétitions.
Exemple : phobie sociale avec agression de distancement .

Clicker training 

Le clicker-training est une méthode qui permet de dissocier la récompense du moment de renforcement positif. En effet, il n’est pas toujours aisé de donner une récompense externe (aliment) au moment où l’animal fait une action qui nous convient, par exemple s’il est à distance. On peut utiliser une récompense symbolique (virtuelle) au moment même qu’il faut renforcer et donner une récompense réelle quand l’animal est près de nous. Pour cela il faut que la récompense symbolique soit corrélée à la récompense réelle et qu’elle soit aussi la promesse de la récompense réelle. Il faut aussi que la récompense symbolique soit très distincte, très claire, très perceptible, ce que fait le ‘clic’.
Cette technique a été développée avec les dauphins qu’il était impossible de récompenser d’un poisson au moment même où ils bondissaient hors de l’eau pour toucher une balle suspendue à 3 mètres de haut. La technique s’apparente au jeu du chaud et du froid des enfants : c’est chaud, on est proche de l’objectif, c’est froid on s’en éloigne.
Le ‘clic’ du cliquet (clicker) est un pointeur, qui signale le moment où la séquence comportementale est adéquate, et en même temps une promesse de récompense réelle.

Le clicker-training est une procédure en trois phases :

  • Phase de conditionnement classique entre le ‘clic’ et la récompense alimentaire : l’animal apprend que le ‘clic’ est suivi d’une distribution d’aliment appétissant (que je vais appeler ‘bonbon’); ce conditionnement est réalisé en 10 à 50 répétitions.

  • Phase de conditionnement instrumental : l’animal apprend que le ‘clic-bonbon’ fait suite à un comportement spécifique (assis, couché, donner la patte).

  • Phase de façonnement (shaping) : le comportement de l’animal est façonné par approche successive afin d’obtenir le comportement désiré.

 

Le clicker-training est utilisable en contreconditionnement.

 

Thérapies d’un système où existent des phobies

Sans parler des interventions systémiques, je veux juste attirer le regard sur les pseudo-phobies et sur le traitement des phobies animales quand le propriétaire souffre lui/elle aussi de phobie.

La pseudo-phobie

Je vous donnerai juste un exemple, celui d’un chien phobique de l’orage dont la propriétaire, phobique de l’orage, s’enfermait, lors d’un orage, dans la voiture avec son chien en le serrant fort dans ses bras. Le chien imitait sa propriétaire.

Le traitement de la phobie d’un animal d’un client phobique

Je vous donne le cas d’un chien agoraphobe (phobie urbaine) dont la propriétaire était agoraphobe. La thérapie par immersion ne fut possible que grâce à l’intervention d’un psychiatre comportementaliste.
Dans un autre cas similaire, la thérapie par immersion  améliora plus rapidement la propriétaire que le chien.

 

Conclusions

J’ai toujours trouvé les phobies très faciles à diagnostiquer mais très difficiles à traiter et j’en suis venu à les considérer comme un véritable challenge pour un thérapeute. Leur thérapie nécessite souvent beaucoup d’investissements de la part des propriétaires qui ne sont souvent pas prêts à prendre en charge ce fardeau et préfèrent alors s’en tirer avec des traitements superficiels et ponctuels.

 

Références

[1] Tembrock G. 1961, In Heymer A. Vocabulaire éthologique. PUF, 1977, p. 72. 
[2]
Dantzer R. L’illusion psychosomatique. Odile Jacob, 1989, p 82-89
[3]
Kenyon P. Depression and learned helplessness. http://www.psy.plym.ac.uk/year2/psy221depression/psy221depression.htm. 2004-06-11
[4]
Lelord F, André C. La force des émotions. Odile Jacob, 2001, p. 294 
[5]
Vauclair J. Psychologie cognitive et représentations animales, in Gervet J, Livet P, Tête A. La représentation animale, Presses Universitaires de Nancy, 1992, 127-142, p.132.
[6]
Engel P. Les croyances des animaux, in Gervet J, Livet P, Tête A. La représentation animale, Presses Universitaires de Nancy, 1992. 59-75, p.59 
[7]
Goleman D. Emotional Intelligence. Bantam Books, 1995, p. 46-47. 
[8]
Pageat P. Les conflits territoriaux chez le chat. Présentation d'un nouveau protocole thérapeutique. 1er congrès européen CNVSPA-FECAVA, Paris, Nov. 1994, 847-49.
[9] Le syndrome de privation n’est pas validé dans le sens où on ne connaît pas l’incidence du facteur privation et du facteur résilience sur le développement des symptômes psychologiques. [10] Dehasse J. Construire un traitement par type de molécule. Le Point Vétérinaire. 2004.

 

© Dr Joël Dehasse - www.joeldehasse.com - 08/05/2006