Médecine comportementale – buts, méthodes, possibilités et limites

© Dr Joël Dehasse, DVM, Diplomate ECVBM-CA

Version 1 du 21 décembre 2002 


Table des matières 

 

Médecine comportementale : définitions, modèles et situation

Définition

La médecine du comportement (des animaux de compagnie) est l’application au comportement animal du modèle médical centré sur la notion de pathologie (maladie).

La pathologie est définie comme la perte d’adaptation. L’animal pathologique est généralement figé dans ses capacités d’adaptation. Les aptitudes d’apprentissage sont fortement amoindries. L’animal a des difficultés à interagir avec son environnement et le comportement pathologique interfère avec les activités sociales normales et l’utilité de l’animal pour sa conservation propre et celle de son espèce.

La médecine comportementale animale est en fait de la psychiatrie vétérinaire (ou zoopsychiatrie).

La médecine comportementale animale s’occupe du comportement animal mais aussi des émotions, des humeurs, des troubles neurovégétatifs, de l’organisme somatique. En cela c’est une médecine holistique.

Ce que la médecine comportementale n’est pas

On peut définir quelque chose par opposition à son contraire.

La psychiatrie vétérinaire n’est pas de l’éthologie, mais elle utilise l’éthologie comme méthode. Elle n’est pas de l’éducation (dressage) de l’animal mais elle utilise aussi cette méthode.

Spécialité, science ou empirisme ? La situation contemporaine

ECVBM-CA

La création récente du European College of Veterinary Behavioural Medicine-Companion Animals (ECVBM-CA) n’a pas été sans peine. C’est la déclaration par l’ensemble des  spécialités en médecine vétérinaire que la psychiatrie vétérinaire a droit de siéger avec ses sœurs aînées (neurologie, dermatologie, médecine interne, …). C’est la reconnaissance d’une science nouvelle au sein de l’ensemble du curriculum vétérinaire.

Quels problèmes de comportement et quels experts ?

Mais que font donc les vétérinaires comportementaux ou comportementalistes ? Ils voient des patients (chiens et chats le plus souvent, mais aussi perroquets, chevaux, lapins, également) qui sont emmenés en consultations (par leurs propriétaires) pour des problèmes de comportement. On peut directement analyser ces problèmes et les classer dans différentes catégories :

  • Comportements normaux de l’espèce mais dérangeants pour le propriétaire : marquages, aboiements etc.

  • Problèmes liés aux apprentissages : malpropreté, désobéissance, etc.

  • Problèmes de communication entre humains et animaux

  • Problèmes d’intégration sociale : troubles de la hiérarchie, etc.

  • Problèmes intrinsèques à l’animal : comportements anormaux et pathologiques

  • Problèmes secondaires à une affection somatique

  • Problèmes comportementaux primaires : anxiété, dépression, trouble unipolaire, trouble hyperactivité, schizophrénie (trouble dissociatif), etc.

 Tout le monde n’est déjà pas d’accord avec cette analyse.

Certains groupes refusent la notion de problème intrinsèque, signalant que tout problème de l’animal de compagnie est dépendant – et secondaire – à la cohabitation avec l’être humain, pointé du doigt comme responsable ou coupable. Dans ces groupes, on retrouve des éducateurs, dresseurs, éthologistes et psychologues animaliers (à titre auto-décerné) et même des … vétérinaires.

Mais même parmi les vétérinaires, certaines écoles ne travaillent pas avec la notion, par exemple, de pathologie comportementale, de dépression, de trouble dissociatif, etc. Il n’y a donc pas unanimité d’opinion.

Utilisation des médicaments

Cette absence d’unanimité sur la classification des problèmes entraîne bien entendu une grande variabilité dans le traitement desdits problèmes. Mais curieusement, les vétérinaires semblent d’accord pour prescrire des médicaments et, quelle que soit leur obédience, ils prescrivent souvent les mêmes médicaments. Pourquoi ? Je peux suggérer certaines réponses.

  • Très peu de médicaments sont testés scientifiquement sur l’animal.

  • La plupart des prescripteurs font confiance à la crédibilité de quelques rares leaders d’opinion qui ont écrit des livres et donnent des conférences, que leurs écrits soient contrôlés scientifiquement ou non.

  • Les médicaments utilisés sont globalement efficaces dans l’ensemble des troubles diagnostiqués.

  • Tester de nouveaux médicaments est un risque pour le testeur (notamment dans certains pays où on peut attaquer le prescripteur en justice).

  • Le marché vétérinaire du comportement est trop petit pour que les firmes pharmaceutiques s’investissent dans la recherche médicale. Il y a par exemple moins de médicaments enregistrés pour le chat que pour le chien et les seuls médicaments enregistrés sont la sélégiline, la clomipramine, la relazine et l’acépromazine (cette dernière à usage sédatif essentiellement)

  • Le prescripteur recourt à l’utilisation de médications à usage humain (SSRI [selective serotonine-reuptake inhibitors], neuroleptiques), à ses propres risques et responsabilités.

 Si les vétérinaires sont quasi tous d’accords sur la prescription de médicaments, ce n’est pas le cas des autres catégories de professionnels du comportement animal qui vilipendent l’usage des médicaments sous divers prétextes généralement non scientifiques. L’argument le plus valable est que ces experts peuvent traiter les comportements problèmes sans recours au médicament. Paradoxalement, ces experts n’hésitent généralement pas à utiliser eux-mêmes des psychotropes pour leur usage (tels que café, thé, nicotine, …). Cet argument, aussi valable soit-il, ne tient pas face à un critère qui est le nombre d’individus que l’on peut traiter. Un expert non-vétérinaire peut travailler à base de thérapies comportementales, processus lent et coûteux en temps. Le vétérinaire peut prescrire des médicaments à un grand nombre de patients, processus économique et peu coûteux en temps. Le vétérinaire peut traiter sur la même période beaucoup plus de patients. La qualité des traitements est différente néanmoins. Nous reviendrons sur ce sujet.

Je signale directement que pour l’efficacité des traitements, la médication est très souvent combinée à d’autres approches thérapeutiques telles qu’une thérapie comportementale.

De la législation

Il n’est pas anodin d’accepter ou non l’idée de pathologie comportementale. Si la notion de pathologie est reconnue, alors le trouble associé tombe sous l’effet des lois qui régissent la médecine vétérinaire. Dans de nombreux pays, la pathologie est une matière vétérinaire ; traiter une pathologie lorsque l’on n’est pas vétérinaire revient à exercer illégalement la médecine vétérinaire et peut être sanctionné légalement.

La notion de pathologie est centrale au modèle médical, sur lequel je reviendrai. Actuellement, cette notion est développée dans l’école française, mais rarement évoquée dans d’autres écoles.

De la formation des spécialistes

La façon de concevoir la médecine comportementale change avec chaque école de pensée et chaque leader d’opinion. La façon d’enseigner la médecine comportementale change également suivant les cultures. L’habitude est l’enseignement post-universitaire sous forme de résidence, c’est le cas aux Etats-Unis. Pour ce faire, il faut que les universités disposent d’un service de médecine comportementale et proposent des résidences, que ces résidences soient sponsorisées ou payées. Le résident doit ensuite passer l’examen du Collège américain pour être reconnu en tant que spécialiste.

L’enseignement post-universitaire sous forme de cours systématiques et d’ateliers, tel que réalisé en France et en Suisse, est performant au niveau du nombre de vétérinaires formés. Ces vétérinaires sont des généralistes ayant acquis une expertise en comportement, mais ne sont pas des spécialistes. Pour le devenir, ils doivent passer l’examen du Collège européen.

Le développement de résidences va se faire progressivement en Europe maintenant que l’ECVBM-CA est devenu une réalité. On peut espérer que la spécialisation soit reconnue dans les universités et que des chaires de médecine comportementales (avec des postes de chargé de cours et de professeur) soient ouvertes dans l’avenir proche. 

Buts et objectifs de la psychiatrie vétérinaire

Une science peut être définie par ses objectifs.

L’objectif de la médecine vétérinaire est le bien-être et la santé animale. L’objectif de la psychiatrie vétérinaire est identique. Le bien-être et la santé comportementale, mentale, émotionnelle de l’animal seront prioritaire mais cela ne se fera pas aux dépends de la santé et du bien-être des humains.

  • La plupart des animaux de compagnie sont désormais alimentés correctement, vaccinés, soignés avec des technologies modernes. Cependant à quoi sert un animal en parfaite santé physique s’il … mord, fait des marquages à l’urine, ou détruit ? Les comportements des animaux entraînent des nuisances et celles-ci cassent la relation d’attachement (amour et amitié) que recherche les humains avec l’animal de compagnie.  Pour l’animal de service (chasse, …) avec lequel il n’y a pas de création de lien d’attachement, ce problème n’existe pas. L’euthanasie d’un animal en parfaite santé physique mais en mauvaise santé mentale est souvent demandée quand le lien est cassé.

  • La demande des propriétaires sera entendue avec attention ; il est impossible de garantir le bien-être de l’animal s’il n’y a aucun suivi de ce dernier. Il faut donc faire plaisir au propriétaire afin de revoir l’animal et de pouvoir contrôler et garantir sa santé mentale et son bien-être.

  • Le bien-être animal passe entre-autre par la prévention des pathologies comportementales (après diagnostic et échelles d’évaluation) et l’amélioration génétique des espèces à une adaptation à la vie avec des humains.

  • Le bien-être animal et humain passent par la prévention des troubles sociaux : une organisation hiérarchique correcte permet d’éviter des troubles d’agression compétitive entre chien et humain ; cependant c’est souvent contraire à certaines éthiques culturelles telles que les éthiques d’égalité et de démocratie.

  • Les vétérinaires psychiatres sont aussi investis d’une protection et de sécurité de la société, que ce soit la famille qui héberge l’animal ou la société au sens large. Le problème se pose en présence d’animaux agressifs ou dangereux (par agressivité, hyperactivité, par leur taille, leur poids, …). L’expertise d’un animal potentiellement dangereux est une responsabilité éthique et légale face à la société.

 

Méthodes et méthodologie

Modèle

Un modèle est l’équivalent d’une carte géographique ; il n’est pas la réalité mais il est un bon moyen pour arriver aux objectifs. La psychiatrie vétérinaire s’appuie sur différents modèles.

Le modèle médical

Faire de la médecine comportementale requiert l’utilisation d’un modèle médical. En psychologie et psychiatrie humaine, on utilise différents modèles tels que la psychanalyse, la thérapie comportementale, la thérapie systémique (familiale), etc. Chaque modèle s’accompagne d’une méthodologie, d’une éthique, d’un paradigme, c’est à dire d’un cadre de fonctionnement.

Un modèle ne s’applique pas, c’est la psychanalyse. Cependant ce modèle influence la psychologie populaire et dès lors l’opinion des clients et des vétérinaires. Deux des idées importantes qui sont proposées par ce modèle sont :

1.      il faut analyser le passé pour découvrir les problèmes. C’est un procédé très généralement appliqué et souvent peu utile. Il vaut mieux s’occuper des facteurs qui maintiennent le problème aujourd’hui que de ceux qui l’ont déclenché dans le passé. Pour améliorer le comportement d’un animal, il vaut mieux s’occuper du présent et de l’avenir. Le passé peut être utile pour élaborer un pronostic (p. ex. syndrome de privation, cause de problèmes structurels dans les réseaux de neurone) mais il permet rarement de donner des solutions pour l’avenir.

2.      l’animal est sain lors de l’adoption et les propriétaires sont coupables de les rendre malades. Les propriétaires font partie de l’environnement de l’animal et ont donc, à ce titre, une influence sur le comportement de l’animal. Cependant les accabler de rendre l’animal malade est non seulement faux mais aussi improductif pour obtenir leur collaboration.

Les modèles auxquels la psychiatrie vétérinaire emprunte des éléments essentiels sont le béhaviorisme et la psychiatrie humaine. On y ajoute parfois la thérapie systémique.

Le béhaviorisme méthodologique ou thérapie comportementale et cognitive travaille directement sur les sur les comportements, les émotions et les cognitions par l’application de la formule : Stimulus  >< Actes  >< Conséquences.  En modifiant les conséquences, on modifie les actes. C’est le principe de la récompense (renforcement positif) et de la punition. En modifiant le stimulus, on modifie aussi les actes. C’est le principe utilisé lors de désensibilisation systématique.

La psychiatrie humaine traditionnelle est un modèle médical de diagnostic-traitement dans lequel l’utilisation de médications est souvent recommandée. L’utilisation des psychotropes a changé la psychiatrie, a supprimé certaines horreurs des hôpitaux psychiatriques du début du XXème siècle, et a permis de rendre ambulatoires de nombreux patients. On côtoie journellement des schizophrènes et des obsessionnels-compulsifs sans les distinguer des autres personnes rencontrées. Les psychotropes ont sauvé des vies et des bien-êtres humains. Leur utilisation en médecine vétérinaire est souvent une extrapolation de leur usage en médecine humaine.

La thérapie systémique (familiale) émet l’hypothèse qu’un symptôme, quel qu’il soit, produit par un individu d’un système (d’au moins 3 individus) a une certaine valeur pour le système. Si un chien est agressif, cela peut avoir une valeur dans la famille, par exemple pour mettre le couple d’accord que le chien a un problème et permettre à ce couple de ne pas envisager leur propre problème de communication.

Connaissant ces bases théoriques, l’étudiant verra de nombreuses versions personnalisées de l’utilisation de ces modèles dans la littérature professionnelle. L’étudiant sera même surpris de conflits de vocabulaire, de traitement et d’éthique. Par exemple, aux Etats-Unis de nombreux chiens vivent en cage lorsqu’ils sont seuls alors que cette pratique est considérée comme non-éthique en Europe. Au-delà de ces différences éthiques culturelles, il existe des différences plus fondamentales au niveau de la modélisation de la médecine vétérinaire comportementale.

L’utilisation de l’éthologie

Le vétérinaire psychiatre n’est pas un éthologue et ne prétend pas faire de l’éthologie. S’occupant (de droit, par devoir et par éthique) de bien-être animal, il fait de l’éthologie appliquée mais ne concurrence nullement les éthologistes appliqués qui se préoccupent du bien-être animal de rente.

L’éthologie est une science, descriptive plus qu’expérimentale, qui est utilisée pour analyser les symptômes de l’animal. Les comportements de l’animal sont-ils éthologiquement adaptés ou sont-ils inadaptés au contexte ? Le contexte de vie est-il adapté ou inadapté aux exigences comportementales de l’animal ? Faire vivre un chat en appartement hypostimulant est-il respectueux de son éthologie et de son bien-être ? Comment transformer un appartement hypostimulant en salle de gymnastique pour chat ? Ceci étant réalisé, peut-être le chat présentera moins de symptômes comportementaux dus à un manque d’exercice. L’éthologie appliquée est donc une voie pour diagnostiquer des problèmes et traiter les animaux (thérapie environnementales). La psychiatrie vétérinaire ne s’y limite pas.

L’éthologie et la psychiatrie vétérinaire sont complémentaires et elles ont des zones frontières ou des zones d’intersection. Pour reprendre l’exemple ci-dessus, si un chat est anxieux en appartement, il est possible d’améliorer la situation par des médications et/ou par des enrichissements de l’environnement. Dès lors l’éthologue et le vétérinaire peuvent tous deux revendiquer la gestion de ce trouble. Ces querelles de disciplines sont stériles. Il vaut mieux coopérer. Les vétérinaires peuvent revendiquer d’intervenir dans le domaine comportemental. Cela fait partie de la définition de leur travail.

L’utilisation de l’apprentissage

Certaines techniques liées à la psychologie expérimentale et au béhaviorisme (méthodologique) sont utilisées en thérapie comportementale. Cela ne signifie pas que la psychiatrie vétérinaire se limite au béhaviorisme, loin de là. Le vétérinaire psychiatre n’est pas, en soi, un éducateur ni un dresseur. Il est plutôt armé des connaissances théoriques qui lui permettent d’apprendre aux propriétaires de devenir éducateurs ; le vétérinaire leur apprend à apprendre. Dans ce domaine, l’apprentissage par imitation est intéressant ; le vétérinaire devrait pouvoir montrer aux propriétaires comment bien faire. C’est pourquoi les vétérinaires devraient avoir des notions pratiques d’éducation des animaux, en plus de leurs connaissances théoriques et didactiques. Ils doivent aussi être capables de théoriser, c’est à dire de retrouver les théories de l’apprentissage à partir d’une situation pratique déterminée.

Modèles et méthodes

Désaccord sur les modèles

Pourquoi utilise-t-on le modèle médical en psychiatrie vétérinaire et pourquoi tous les vétérinaires pratiquant la médecine comportementale n’utilisent-ils pas ce modèle ? Il y a là deux questions. La réponse se trouve dans l’histoire des sciences du comportement (voir article) et l’influence qu’ont eu différentes cultures sur certaines approches. La science évolue rarement par révolutions mais généralement elle évolue en ajoutant des éléments à la construction existante, comme une maison à laquelle on rajoute des annexes. A un certain moment, la maison a tellement d’annexes qu’elle ne ressemble plus à une maison. Alors, il vaut mieux l’abattre et construire une nouvelle maison.

Le modèle médical est utilisé par l’école française et suisse. Il est dû à la volonté des professeurs de faire un enseignement construit sur un modèle. Ce modèle n’est pas utilisé aux Etats-Unis, où la formation se fait par résidence et non par l’enseignement d’une école. Les vétérinaires américains sont partis de l’éthologie, ont ajouté le béhaviorisme et ensuite les médications. La pathologie, pièce maîtresse du modèle médical, n’y est pas reconnue et est remplacée par la notion d’anormalité, d’anomalie comportementale. Le comportement est normal ou anormal. Mais cela n’a pas d’importance parce qu’on traite avec des thérapies comportementales et des médicaments. Ce système, qui n’a pas encore le droit au nom de modèle, semble  tout à fait fonctionnel. On y traite des symptômes et non des syndromes (collections de symptômes). En fait tous les systèmes actuels sont fonctionnels car on y traite des animaux (souffrant de symptômes ou de syndromes). Personne ne peut déterminer si une méthode est plus efficace que l’autre puisque les études comparatives n’ont pas été réalisées. Actuellement c’est celui qui dit le plus fort qu’il a raison, ou qui le dit en anglais, qui a la plus grande audience.

Le processus peut ne pas sembler scientifique et rationnel ; pourtant il est scientifique.

(Voir article: “A note on theorizing animal behavioural medicine”).

Méthodologie des sciences de l’imprécis

Les sciences comportementales (et sociales) font partie des sciences de l’imprécis ; elles ne sont pas aussi précises que les mathématiques, la physique, la (bio)chimie ou l’astronomie. Par exemple, la prescription d’un médicament psychotrope se base sur des analyses statistiques de ses effets sur une population souffrant d’un symptôme ou d’un trouble déterminé. On peut déterminer que x % de la population va réagir positivement dans un certain délai. Par exemple, lors de troubles émotionnels chez le chien, on sait que 80% de la population étudiée va montrer une amélioration (minime à forte) dans un délai de 1 mois. Cependant, rien ne permet de prévoir ni prédire qu’un chien déterminé va – ou non - s’améliorer, ni quel sera le taux de son amélioration. C’est imprécis.

Cette imprécision n’est cependant pas synonyme d’erreur.

Le comportement est un phénomène imprécis. La science du comportement, l’éthologie, est elle aussi une science imprécise. Elle va décrire dans l’éthogramme, le relevé des comportements d’une espèce, une série de phénomènes. Et dès le départ, ce relevé est imprécis. La définition même du mot « comportement » est soumise à une imprécision majeure. On est surpris de voir que la plupart des dictionnaires d’éthologie comme celui de Heymer ou celui de Barrows, ne définissent pas le mot comportement. Immelmann et Beer disent que « le comportement est ce que les éthologistes étudient chez l’animal ». Ils disent aussi que ce que les éthologistes vont décrire risque d’être très différent, c’est à dire que cela pourrait être une description d’actes ou patterns moteurs ou une description par les propres conséquences (ou fonctions supposées) des comportements. Voici donc que l’éthologie, une science reconnue et bientôt centenaire, repose sur un concept imprécis et flou. Malgré l’imprécision du concept, tout le monde comprend intuitivement ce dont il s’agit. Si je parle de comportement agressif chez le chien ou le chat, chacun fait surgir immédiatement des images virtuelles de sa mémoire ; le concept est porteur d’images, il est porteur de sens.

Cet exemple permet de comprendre que la psychiatrie vétérinaire, fille de l’éthologie, du béhaviorisme, de la médecine, la psychopharmacologie, etc. ne peut que refléter les imprécisions de toutes ces sciences mères. Il y a donc plusieurs médecines comportementales et cela se reflète dans les articles et livres professionnels. Les vocabulaires prennent un sens différent avec chaque auteur, ce dernier sachant très bien ce qu’il entend par les terminologies utilisées  et ne prenant pas toujours le soin de les définir pour ses lecteurs. Ce n’est qu’à force de fréquenter les auteurs que l’on comprend que ce que l’un appelle « agression par peur » sera ce qu’un autre appelle « agression par irritation » et ce qu’un troisième appelle « agression » prétendant que dans toute agression il y a une composante de peur.

Il est donc très difficile actuellement de communiquer entre écoles, voire entre individus. Les vocabulaires ne sont pourtant pas faux, ils sont imprécis. C’est une caractéristique propre à une science jeune. La zoopsychiatrie est une science jeune, elle manque de standardisation. Les leaders d’opinion doivent se retrouver pour standardiser les vocabulaires. Une initiative issue de l’ESVCE (European Society of Veterinary Clinical Ethology) va entamer ce travail titanesque.

Je conseille donc actuellement à chacun (chaque lecteur) de préciser l’auteur avec chaque vocabulaire, sous risque de se perdre dans un labyrinthe de mots et de concepts et d’être dégoûté de leur confusion actuelle. Qu’il se rassure, dans chaque système, les concepts sont opératoires, c’est à dire qu’ils permettent d’aboutir aux objectifs précisés plus haut.

Modèle structural

Une carte est un schéma, ce n’est pas la réalité. Une carte est fonctionnelle, du moins pour une situation précise, ce pour quoi elle a été créée. Un vétérinaire psychiatre a besoin d’une ou plusieurs cartes pour se retrouver dans le dédale des comportements et arriver rapidement au but fixé.

Je vous propose une carte simple, juste pour réfléchir à l’étendue de l’action de la psychiatrie vétérinaire et vous donner quelques pistes de réflexion sur les traitements. Cette carte est basée sur l’utilisation de la méthode structurale. L’hypothèse structurale propose de diviser le complexe en unités plus simples qui se combinent suivant des règles (la structure). Le modèle se doit d’être opérationnel, c’est à dire d’être utile, et je parle ici d’utilité clinique.

Les unités simples sont, par analogie à la chimie, les atomes des comportements (envisagés métaphoriquement). Quels sont ces atomes? Les plus petits éléments phénoménologiques observables ou imaginables sont sans doute au nombre de sept: l’humeur, les émotions, les cognitions, les perceptions, les actes moteurs, les actes neurovégétatifs, et l’organisme (lui-même subdivisible). On pourrait y ajouter la conscience, mais je l’ai regroupée dans les cognitions. L’atome est, par étymologie, indivisible. Cependant, on pourra le découper en processus et réseaux neuro­bio­chimiques, neurohormonaux, électriques, etc. tout comme la chimie classique vit ses atomes éclater sous l’impulsion de la physique quantique. Un comportement résulte de l’agencement des 7 atomes de base. J’ai appelé « psychels » ces atomes ou « éléments psychobiologiques ».

Il faut structurer ces « atomes ». C’est chose aisée quand on compare leurs influences mutuelles et si on les classe (hiérarchise) en fonction de l’importance de ces influences :

 

Organisme

Humeur

Emotions – Cognitions – Perceptions

Comportements (actes moteurs) – Activités neurovégétatives

 

Suivant cette hiérarchie, on se rend compte que les comportements peuvent être modifiés (influencés) de multiples manières :

  • par une action sur eux-mêmes, par apprentissage, conditionnement classique et opérant

  • par une action sur les émotions, les cognitions, …

  • par une médication qui va modifier la neurotransmission, l’humeur, les émotions,...

  • etc.

Pour le vétérinaire psychiatre, il sera aisé de prescrire un médicament qui, par un effet en cascade, influencera le comportement. Toute la science clinique est dans la recherche du meilleur médicament pour obtenir les effets désirés.

Le vétérinaire peut aussi intervenir sur le comportement lui-même en réalisant, conseillant, prescrivant des apprentissages spécifiques : appliqués à des comportements anormaux ou pathologiques ou à des comportements qui entraînent un trouble pour l’individu, ces apprentissages s’appellent « thérapies comportementales ». Certaines vont agir directement sur le comportement, ce sont les techniques de conditionnement ou de contreconditionnement. D’autres vont permettre l’ajustement des comportements en modifiant l’environnement : ce sont la désensibilisation, et l’immersion. Il va de soi que les techniques qui jouent sur l’environnement agissent sur l’individu par l’intermédiaire de l’étage des « émotions - cognitions - perceptions ». 

Méthodologie clinique

Acquérir l’information

Pour arriver à l’objectif de rétablir la santé (comporte)mentale et le bien-être de l’animal et de son système dans son environnement, il nous faut acquérir l’information pertinente, ensuite réfléchir à cette information, déduire des stratégies d’action avant de proposer des solutions.

Quelle est cette information pertinente et comment l’obtenir ?

En médecine somatique, la clé se trouve dans le diagnostic de la pathologie. Si un chien souffre de polyphagie, polydipsie, obésité et polyurie (voire malpropreté) [la plupart de ces signes étant comportementaux], vous pouvez penser à différents diagnostics possibles y compris le diabète sucré ; des analyses d’urine et de sang vous permettront de confirmer ou d’infirmer votre hypothèse diagnostique. Le même procédé est valable en médecine du comportement.

Il convient de recueillir les symptômes. Une méthode serait d’observer l’animal dans son contexte. Cependant il faudrait de nombreux jours pour recueillir les signes pertinents. Par contre les propriétaires ont, eux, pu observer ces signes. Mais ils ne le savent pas. Tout l’art est de cueillir chez les propriétaires les signes qu’ils ont observés consciemment ou inconsciemment. Il y a des techniques de communication et d’interview pour obtenir ces informations. Deux indices ici : parler le langage du client et rester focalisé sur ses demandes tout en explorant l’ensemble de l’éthogramme de l’animal. L’apport de nouvelles technologies, comme la vidéo, permet d’obtenir des informations précieuses parce non filtrées par les interprétations des propriétaires.

La consultation de comportement est généralement constituée d’un long interview, entrecoupé d’une observation de l’animal et de ses relations avec ses propriétaires et d’un examen somatique de l’animal. Dans le monde, la durée de la consultation varie entre 45 minutes et 5 heures. Il semble que les consultations courtes soient tout aussi efficaces, voire plus, que les consultations longues.

Déroulement d’une consultation de comportement

La consultation se déroule donc de la façon suivante : éléments administratifs, exposé des problèmes, précisions des problèmes, réalisation d’un contrat avec le client (ce que l’on doit faire et dans quel délai), analyse détaillée des comportements-problèmes, analyse de l’éthogramme non envisagé dans l’analyse des problèmes, observation éventuelle de comportements problèmes, appréciation de la cinétique d’évolution des problèmes, examen somatique, diagnostics différentiels, hypothèse de diagnostic, pronostic, stratégies d’intervention, choix des interventions, prescriptions des interventions thérapeutiques, explications détaillées des thérapies comportementales et de l’administration éventuelle d’un psychotrope, accord avec les propriétaire sur les prescriptions, organisation du suivi de l’animal sous traitement.

Le suivi des consultations

La première consultation permet de préciser les problèmes, les mandats, les contrats, les pronostics, les stratégies d’intervention. Contrairement à la chirurgie, l’animal n’est pas guéri après cette procédure. C’est comme dans une affection chronique telle qu’une maldigestion, une arthrose, un diabète, un cancer, … il faut suivre l’évolution. Certains cas peuvent guérir, d’autres nécessitent un traitement permanent, à vie.

Le suivi des cas est assez différent de ce qu’on s’attend en psychothérapie humaine. Il n’est pas utile que le client revienne deux fois par semaine pendant 4 ans, comme en psychanalyse. Un suivi mensuel est tout à fait satisfaisant. L’utilisation d’échelles objectives ou subjectives facilite l’évaluation.

La durée des traitements

C’est une question fréquemment posée par les propriétaires. Si l’on faisait une analyse de la population traitée en psychiatrie vétérinaire, on trouverait une moyenne de 3 à 6 mois de traitement, avec une très grande variance puisque les traitements les plus courts durent seulement quelques jours et les plus longs peuvent prendre toute la vie de l’animal.

Possibilités

Qu’entend-on par possibilités ?

Qu’est ce que la psychiatrie vétérinaire ouvre comme possibles aux vétérinaires, à la profession, au monde animal, au monde scientifique,… ?

Possibilités pour les vétérinaires

Pour le vétérinaire généraliste, praticien des petits animaux, la dimension « comportement » étend son pouvoir médical. Actuellement les clients posent encore peu de questions de comportement, ils ne savent pas que le/la vétérinaire a des compétences pour répondre et traiter. Dans une étude faite dans ma clientèle en médecine générale il y a plus de dix ans, plus de 60% des animaux présentaient au moins 3 symptômes de comportement problématique ou nuisant. Les vétérinaires qui pratiquent la médecine comportementale peuvent voir leur chiffre d’affaire augmenter de 10%.

A l’époque où le nombre de vétérinaire croît sans arrêt, il est important de diversifier ses activités. La pratique de la médecine comportementale exige une grande capacité de communication et il n’est pas étonnant de voir ce domaine, peu technique, ‘envahi’ par les femmes.

Possibilités, potentialités pour la profession

Il y a 50.000 cas de morsures de chiens sur humains en Belgique chaque année. S’il fallait soigner ces 50.000 chiens mordeurs, cela ferait 50 vétérinaires à temps plein. Comme il y a d’autres pathologies comportementales chez le chien et d’autres espèces parmi les animaux de compagnie, on pourrait envisager en Belgique (ou en Suisse) 200 vétérinaires à temps plein pour traiter l’ensemble des troubles comportementaux des animaux de compagnie. Le travail ne manque donc pas. Seul manque actuellement l’information du public et la volonté du public et de la profession d’y faire quelque chose.

Les cours donnés en France et en Suisse, environ 150 heures, ont démontré leur efficacité pour former des vétérinaires généralistes à la médecine comportementale. Pour devenir un spécialiste européen, les critères sont plus exigeants.

Possibilités pour l’animal

L’euthanasie (euthanasie chez les vétérinaires et en SPA) pour trouble de comportement reste encore la première cause de mortalité chez l’animal de compagnie (chiens et chats surtout). La psychiatrie vétérinaire donne une chance de survie à de nombreux animaux. Au-delà de la survie, c’est la qualité de vie de l’animal qui se voit améliorée.

Possibilités pour les propriétaires

Les propriétaires entrent en relation affective avec l’animal de compagnie. Soigner un trouble de comportement (en lieu et place d’euthanasier l’animal) augmente énormément la qualité de vie des propriétaires. 

Possibilités pour le monde scientifique

Une nouvelle science enrichit la bibliothèque des sciences du monde. Cette nouvelle science se doit de déranger quelque peu les sciences établies pour se trouver une place entre elles, entre l’éthologie, l’éthologie appliquée, la psychologie expérimentale, etc. D’aucuns crieront que cette science n’existe pas et ils n’ont pas tout à fait tort puisque quelques dizaines de spécialistes au monde ne permet pas de qualifier une science. Disons que c’est une science naissante et qu’elle doit trouver ses méthodologies, son éthique, ses instruments de mesure, ses technologies. Comme c’est une science tournée vers la clinique et comme il y a une demande pressante du public, l’évolution de la zoopsychiatrie est en pleine accélération. On ne peut plus l’arrêter.

Quels sont donc les technologies et les mesures de la psychiatrie vétérinaire ?

  • échelles subjectives d’évolution

  • graphiques descriptifs de cinétique d’évolution

  • échelle objective (et validées) d’évaluation émotionnelle (Pageat)

  • échelle objective (et validée) d’évaluation du vieillissement cognitif (Pageat)

  • tests d’agressivité (validé) chez le chien (MAG test, Planta)

  • nombreux tests d’agressivité et de dangerosité (non validés) chez le chien

  • échelle d’évaluation globale de fonctionnement (EGF, DSM IV, adaptée au chien par Dehasse, 2002).

  • Tests statistiques (nombreux et divers)

 

Ce qui peut perturber l’étudiant et le vétérinaire, c’est l’absence d’examens complémentaires spécifiques. Il n’y a pas de prise de sang, d’examen d’urine, de LCR, qui permettent de doser (actuellement) la neurochimie et de corréler cela avec des désordres comportementaux. Il n’y a pas encore d’analyses génétiques simples pour les chiens agressifs. Et pourtant, la technologie est disponible, seuls les crédits financiers manquent pour mettre en place ces tests de laboratoire.

Limites

La pratique de la psychiatrie vétérinaire démontre que l’on ne peut pas tout guérir. Comme je l’explique souvent aux propriétaires de chien, l’option de dangerosité zéro n’existe qu’avec un chien en peluche. Vivre avec des prédateurs comme animaux de compagnie pose bien entendu la question de la dangerosité possible de l’animal. Et vivre avec des individus vivants pose la question de l’imprévisibilité du vivant.

La loi du chaos

Dans ce domaine s’applique la loi du chaos. La théorie du chaos définit une évolution temporelle avec dépendance sensitive des conditions initiales. Cela veut dire que une petite imprécision dans la détermination de la situation aujourd’hui, cette petite variation des conditions initiales, augmente exponentiellement avec le temps. Poincaré écrivait en 1908: « Une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable que nous ne pouvons pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard » (voir à ce sujet mon article sur le Chaos, sur Internet).

La génétique

Quel que soit le traitement, on ne changera pas la génétique, ni les comportements innés d’un animal, on ne change pas ses besoins écologiques et sociaux. On peut adapter un animal à des environnements variés, mais on ne peut pas l’adapter à des environnements pathogènes.

L’utilisation des ISRS (inhibiteurs sélectifs de recaptage de la sérotonine) semble démontrer une influence sur le code génétique. Après 6 mois de traitement, il semble qu’il puisse y avoir une fabrication de neuro-récepteurs plus performants liés à un meilleur décodage du code génétique (Overall).

Les handicaps structurels

Les troubles neurologiques majeurs (hydrocéphalie, …) ou mineurs entraînent des déficits structurels qui limitent la puissance des traitements. Si on se souvient de l’expérience classique (de Wiesel et Hu­bel, dès 1963, in Changeux 1983.310) chez le singe, l'occlusion d'un oeil par suture des pau­pières au cours des six premières semai­nes de vie entraîne un déficit visuel pro­noncé; une réouver­ture des paupières après trois semai­nes entraîne une réver­sibilité de ces troubles; l'expérience chez l'animal adulte est sans effet. Cela explique l’interaction créatrice de l’environnement sur le cerveau en développement. Un chien ou un chat qui n’a pas vécu dans un environnement social riche pendant la période de socialisation peut développer des troubles dont une partie restera incurable.

On ne change pas le propriétaire

C’est une évidence souvent oubliée. On ne change pas le propriétaire, on peut lui permettre d’adapter certaines habitudes, mais on ne change pas sa personnalité : il a son agenda, ses demandes exprimées ou cachées, ses illusions, ses perceptions

On ne changera pas non plus les systèmes familiaux. Ce n’est pas éthique pour un vétérinaire de s’immiscer dans les systèmes familiaux.

Nombreux facteurs

Les facteurs limitants, incontrôlables ou imprécis sont très nombreux. En voici une liste non limitative :

  • Le temps : modifier des comportements (humeurs, émotions, …) peut prendre du temps, plusieurs mois même, ce que le propriétaire peut ne pas accepter.

  • L’argent : si plusieurs mois de traitement médicamenteux ou de séances de ré-éducation sont nécessaires, il y aura toujours un coût associé. J’estime que un traitement d’une « fracture de la relation » coûte l’équivalent d’une chirurgie pour une fracture de membre.

  • Connaissance des médicaments : elle est limitées par l’information disponible ; une extrapolation à partir des connaissances sur l’être humain ne suffit pas ; il y a une phase expérimentale que plusieurs prescripteurs refusent de franchir (avec raison, vus les risques légaux).

  • Réalisation des thérapies par les propriétaires : les propriétaires ne sont pas formés comme experts en psychologie expérimentale, même comme éducateurs ; leurs compétences à mettre en œuvre des thérapies comportementales est variable ; dès lors c’est au prescripteur d’adapter les thérapies à ce que les propriétaires seront capables de faire, sous peine d’échouer dans la thérapie.

  • Nombre d’éducateurs compétents : au cas où l’on fait appel à des éducateurs, il faut trouver à proximité du domicile des propriétaires un éducateur compétent et qui ait le temps de réaliser certaines thérapies comportementales (comme une immersion pour un chien phobique en milieu urbain) ; le nombre d’éducateurs compétents et respectueux d’une éthique de renforcement positif est faible.

  • Respect d’une éthique : on travaille pour le bien-être animal mais pas aux dépends du bien-être humain ; en présence d’un chien agressif avec risque potentiel de morsure à des personnes âgées ou des enfants du milieu social, l’euthanasie ou le replacement sera envisagée.

  • Respect d’une déontologie : on travaille sur l’animal, pas sur le propriétaire.

  • Respect des droits de l’animal : améliorer le bien-être animal sans que ce soit aux dépends des propriétaires ne signifie pas que le propriétaire est toujours prioritaire et qu’il peut tout imposer à son animal y compris vivre seul un nombre d’heures indues dans une cage, etc. A chacun d’imposer ses limites et, éventuellement, de refuser une intervention si la situation sort de son cadre éthique.

  • On permet l’adaptation, on ne change pas l’animal : il faut bien se rendre compte que la personnalité de l’animal étant due à sa génétique et son histoire personnelle, on l’influencera peu ; on lui permettra de s’adapter plus aisément à des contraintes plus grandes, mais le fond ne changera pas !

Dangers

Les vétérinaires psychiatres consultent un nombre considérable d’animaux qui produisent des nuisances, des préjudices et des dangers à la société (ou tout au moins à leurs propriétaires). Près de un chien sur deux pour lequel est demandée une consultation est un chien agressif. On ne compte plus le nombre de vétérinaires mordus. Je suggère à chaque consultant de se prémunir contre ces dangers par des systèmes mécaniques simples et efficaces, tels qu’une muselière. Il n’y aucune obligation de mettre sa sécurité ou sa vie en danger pour le plaisir de soigner un chien ou pour faire plaisir à un propriétaire de chien dangereux.

Réussites et satisfactions

Comme le disait un psychiatre comportementaliste, la première tâche du médecin est le bien-être du médecin. Cela veut aussi en médecine vétérinaire où il est de première importance de garantir le bien-être du vétérinaire. Cela signifie qu’il faut se donner du bon temps en consultant. Il faut aimer cela. Sinon ce n’est pas la peine de faire de la médecine comportementale. Il faut savoir que l’on va passer une heure avec des gens à communiquer, sans réaliser des actes techniques. La meilleure façon d’arriver à communiquer, c’est d’aimer les gens. Aimer les animaux ne suffit pas, il faut aimer les gens. Si les gens sont difficile à aimer (parce qu’ils sont malpropres, malodorants, …) il faut trouver quelque chose à aimer en eux, pour entrer en empathie. Si on ne peut pas trouver d’empathie pour eux, on peut toujours réaliser un travail technique, mais la compétence de communication sera réduite, de même que les informations pertinentes reçues, et ainsi que le bien-être tant du vétérinaire que des clients.

Quand on ose faire un bilan de ses résultats, on constate avec plaisir qu’on améliore de façon satisfaisante 70 à 80 % des cas qui sont présentés (et qui donnent des nouvelles), ce qui, pour des maladies chroniques et des « fractures » de relation est très satisfaisant.

Pour le vétérinaire généraliste, la satisfaction est réciproque puisque le client est lui aussi enchanté et donc fidélisé.

Conclusions

La médecine vétérinaire comportementale, ou psychiatrie vétérinaire ou encore zoopsychiatrie, est une nouvelle science, une nouvelle spécialité vétérinaire reconnue au niveau européen (et mondial). Comme toute science jeune, elle doit encore acquérir des moyens technologiques et une certaine standardisation qui lui permettra une plus grande diffusion et une plus grande facilité de transmission didactique. En attendant, ses succès sont importants. Le nombre de publications scientifiques ne fait que croître, preuve si nécessaire de l’importance que prend la zoopsychiatrie dans le monde aujourd’hui.

 

Références

  • Barrows E. 2001. Animal Behavior Desk Reference (2nd Ed.). CRC Press, Boca Raton, Florida, USA.

  • Changeux J.-P. L'homme neu­ronal. Fayard, Paris, 1983.

  • Dehasse J. Le chien agressif. Publibook.com, Paris, 2002

  • Dehasse J. la théorie du chaos et son apport en médecine comportementale. http://www.joeldehasse.com/a-francais/chaos.html

  • Dehasse Joël : www.joeldehasse.com

  • Heymer A. 1977. Vocabulaire Ethologique. Paul Parey & Presses Universitaires de France, Paris.

  • Moles A. Les sciences de l’imprécis. Seuil, Paris, 1995.

  • Overall K. 1997. Clinical Behavioral Medicine for Small Animals. Mosby, St Louis, Missouri, USA.

  • Pageat P. Pathologie du comportement du chien. Point Vétérinaire, Maisons-Alfort, 1998.

 

 

© Dr Joël Dehasse - www.joeldehasse.com

samedi 21 décembre 2002