Clinique de l'anxiété chez le chat

Dr Joël Dehasse , médecin vétérinaire comportementaliste
Article chargé en février 97, modifié le 15 novembre 97, 9 novembre 1999
http://www.geocities.com/joeldehasse/a-francais/chat-anxiete.html
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Introduction - Formes cliniques - Nosographie - Anxiété de privation - Anxiété de l'adulte, NS - Anxiété de déterritorialisation - Anxiété du chat en milieu clos - Anxiété de cohabitation - Bibliographie
Introduction - définitions
En clinique vétérinaire canine, l'anxiété a été définie comme un état pathologique réactionnel, caractérisé par l'augmentation de la probabilité des réactions émotionnelles analogues à la peur, en réponse à toute variation du milieu (interne ou externe). Il en résulte une désorganisation des autocontrôles, donc une perte d'adaptabilité. (Pageat 1995).
Cette définition est applicable au chat. L'anxiété se démarque de la peur tout en s'y référant. L'anxiété est un état pathologique alors que la peur ne l'est pas. On retrouvera cependant les comportements caractéristiques de l'état de peur: inhibition, évitement ou échappement, agressions d'autodéfense, ainsi que de nombreuses complications (anticipation) et des composantes neuro-immuno*-endocriniennes.
* Les chats atopiques sont très souvent anxieux.

Formes cliniques - sémiologie

Les trois formes cliniques exposées pour le chien, dans leur division théorique sur un axe d'invalidation temporelle, sont tout aussi pratiques. Il reste à déterminer cliniquement les (dis-) similitudes par rapport à la clinique du chien, les caractéristiques pharmacologiques sous-jacentes, et la parenté entre ces différentes formes.
Mais il faut bien évidemment adapter ces formes cliniques aux spécificités de l'éthogramme du chat, c'est ce que Claude Béata a commencé à proposer à Toulouse en mai 1996. Je reprendrai certains éléments, j'en adapterai d'autres.

Note:
L'anxiété est un chaos cognitivo-émotionnel qui s'oppose à l'organisation des réactions adaptatives. L'inadaptabilité des comportements est la définition de base du pathologique, l'inadaptabilité des réponses émotionnelles, analogues à celles de la peur est un témoin de l'anxiété.

Le chat se différentie du chien par de multiples critères comportementaux, parmi lesquels on spécifie:
  • la territorialisation et les marquages associés: facial, urinaire et griffade, et marques d'évitement
  • les particularités de l'alimentation (multiplicité des ingestions alimentaires), des relations sociales intra- et interspécifiques (non hiérarchisées), de l'autotoilettage, etc.

Les manifestations cliniques des différentes formes d'anxiété

Anxiété
Invalidation
M.org.1aires
Ag./i. & /p.
A. substitutives
Paroxystique
en crise
++++
0 / (+)
0
Intermittente
périodique
+++
+++
+
Permanente
continuelle
0 / +
0 / +
+++


Manifestations organiques 1aires
Diarrhée du gros intestin (très fréquente) système DA
Dyspepsie (rare) système DA
Miction émotionnelle (rare) système NA
Ptyalisme* (fréquent) système DA
Tachycardie (tachypnée rare) système NA

*J'ai pu observer des crises de salivation paroxystique chez un chartreux, qui perdait plus de 100 ml de salive et risquait une déshydratation.

Agressions par irritation et par peur
Agression par irritation (Pageat, mai 1996)
AgIE: espacement (social) menaces avec posture corporelle ramassée, passage de l'assis ai décubitus ventral: feulement, mydriase, hérissement, oreilles couchées, gifles, amorces de charges.
AgIR: rupture (de contact) menaces avec posture corporelle tassée, avec tendance au basculement latéral et dorsal, toutes armes présentées: le reste identique à AIE sans l'amorce des charges.
Agression par peur phase d'intimidation réduite, absence de contrôle des morsures et griffades, réponses neurovégétatives.

Activités substitutives.
Dans l'ordre de fréquence, on retrouve les autotoilettages, la boulimie et enfin la recherche permanente d'eau (très rare).
Les autotoilettages ont diverses caractéristiques:
Les alopécies de léchage sont fréquentes, les granulômes sont rares.
L'alopécie extensive féline n'est pas une pathologie en soi, ce n'est qu'un symptôme d'une affection anxieuse. Le traitement de ce symptôme sera d'ailleurs différent s'il s'agit d'une activité substitutive ou d'une stéréotypie. La différence n'est pas toujours évidente. L'administration de clomipramine induit une amélioration après un certain délai d'environ un mois après une phase d'aggravation occasionnelle temporaire. L'administration de sélégiline apporte une amélioration dans le même délai approximatif. L'administration combinée de clomipramine et de sélégiline accélère le processus d'amélioration.
La dissymétries de la localisation des lésions de léchage chez le chien (prédominance à gauche) n'est pas retrouvée chez le chat.

Type d'alopécie Symptôme dans/de:
Alopécie localisée simple, sur une zone précise (parfois une cicatrice, la zone d'une ancienne douleur, ...) AI, AP
Alopécie (ou granulôme) localisée en extrémité caudale AP, stéréotypie, dép. invol.
Alopécies localisées multiples AI, AP
Alopécie extensive AI, AP, stéréotypie, dép. chro., atopie, ...




Territorialisation
Définition: édification et maintien des champs territoriaux (qui sont en équilibre instable dans un environnement en perpétuel changement *). La territorialisation nécessite une adaptation continuelle des différents marquages . Une inadaptabilité** de ceux-ci signe un état pathologique, anxieux (ou dépressif).
* pour paraphraser Piaget.
** inadaptabilité, comprenant éventuellement une absence de retour à l'équilibre (donc une absence d'arrêt) et une instrumentalisation.

Anxiété
M. facial
M. urinaire
Griffade
M. évitement
Paroxystique
=
= ou
=
= ou
Intermittente
ou dimin.
ou =
* ou =
gl. anal.
Permanente dimin. dimin. dimin.
sudation


* en points multiples


Particularités diverses
Anxiété
Inhibition
Exploration
Rolling SS
Ag. préd. H.
Paroxystique
0
=
0
= ou h. fixe
Intermittente
0
H.Vig.
h. variable
Permanente
+++
dimin.
partiel
ou 0
0

Agression prédatrice sur l'être humain (ou animal) (voir Pageat 1996)
A tout moment manque de socialisation
A heure fixe (ou variable) anxiété (parox.) du chat en milieu clos
A heures variables anxiété (interm.) du chat en milieu clos
Apparition brutale trouble métabolique

Anxiété
Flehmen
Sommeil
Paroxystique
=
=
Intermittente
Ins.*- Hypo
Permanente dimin.
partiel
Ins.*- Hyper

* Insomnie à cycles respectés, avec réveils en fin de cycle, environ toutes les 1h30 à 2h.

Nosographie

Liste non exhaustive des affections anxieuses.
Troubles de l'enfance Syndrome de privation
ou de l'adolescence Anxiété de séparation (rare)
Syndrome du chat-jouet
Troubles liés à une affection somatique Anxiété des états algiques
Anxiété des hyperthyroïdies
Troubles d'origine médicamenteuse Eidolies hallucinosiques
Troubles de l'adulte Anxiété de déterritorialisation
Anxiété en milieu clos
Anxiété de cohabitation (syndrome du “nouveau”)
Anxiété de déritualisation
Anxiétés de l'adulte, non spécifique

Il est impossible, dans le temps qui m'est imparti, de décrire toutes les affections anxieuses du chat. Une sélection s'impose. Plusieurs pathologies ont été présentées à Porquerolles en septembre 1995 et Toulouse en mai 1996, dans le cadre des conduites agressives chez le chat. C'est avec raison que l'on peut dire que les conduites d'agression ne sont pas, à quelques exceptions près, des nosographies mais plutôt des symptômes dans des pathologies anxieuses.
Voici quelques correspondances entre les conduites d'agression précédemment décrites et les syndromes anxieux.

Syndromes anxieux Conduites d'agression
Syndrome de privation AIP, anx. int. de privation
Anxiété de séparation (rare) -
Syndrome du chat-jouet -
Anxiété des états algiques Ag. réactionnelle des états algiques
Anxiété des hyperthyroïdies -
Eidolies hallucinosiques Eidolies hallucinosiques
Anxiété de déterritorialisation -
Anxiété en milieu clos Hyperagressivité en milieu fermé
Anxiété de cohabitation Agression intragroupe
Anxiété de déritualisation -
Anxiétés de l'adulte, NS -


J'ai mis en italique les syndromes qui seront développés ci-après.


Anxiété de privation
Description
Le syndrome de privation chez le chat présente les mêmes caractéristiques générales que chez le chien, c'est à dire qu'il regroupe les chats ayant vécu leur développement en milieu hypostimulant (en relation au milieu de vie ultérieur) et présentant un déficit majeur dans la gestion des informations sensorielles, dès l'acquisition.
Cependant, le chat n'étant pas obligé de vivre en permanence la vie de ses propriétaires (au contraire du chien), de nombreux cas n'entraînent pas de demande de consultation.
Le stade 1 (phobies ontogéniques) est extrêmement fréquent mais considéré par les propriétaires comme un état normal chez le chat, animal traditionnellement estimé exclusif, plus territorial que social, etc. Les phobies sociales sont courantes et ne posent problème que lorsque la composition du groupe social est modifiée (mariage, naissances, etc.).
Le stade 2 (anxiété de privation) est présent sous les différentes formes d'anxiété vues ci-dessus. On ne retrouve pas à ce jour les postures caractéristiques définies chez le chien (expectative, exploration statique); des recherches ultérieures permettraient sans doute de retrouver des postures typiques. Dans le stade 2, on trouve:
  1. une anxiété intermittente chez le chat non socialisé à l'être humain et obligé de vivre en permanence avec lui: quelques signes particularisent cet état comme l'anorexie en présence du propriétaire, l'alimentation généralement de nuit, la limitation du champ exploratoire, l'hypervigilance, l'hyposomnie, ...
  2. une anxiété permanente chez le chat non socialisé au monde extérieur et acquis très tôt, avec imprégnation et hyperattachement à un propriétaire (isolé), , ... Ce cas aboutit à de l'infantilisme (tétée persistente (sur propriétaire et tissus), faible taux de marquage facial), en somme les ingrédients d'une anxiété de séparation .
  3. etc.

Le stade 3 (dépression de privation) est rare. Le chat reste prostré, caché, ne sort que quand les propriétaires sont couchés et la maison tranquille; le chat est hyporexique ou dysorexique, insomniaque; son champ d'exploration est très réduit, la malpropreté est fréquente.
Une phase de sidération temporaire (2 à 4 semaines) est fréquente à l'acquisition; elle disparaît souvent au profit d'un stade 2.
L'anxiété de privation ne sera pas plus détaillée ici.


Anxiétés de l'adulte, NS
Description
Cette section rassemble l'ensemble des troubles anxieux qui ne sont pas décrits dans des nosographies spécifiques, que ces anxiétés soient apparues d'emblée ou secondairement à un état phobique, ou d'autres affections comportementales.

Epidémiologie
Des études complémentaires doivent être envisagées afin de déterminer des prédispositions raciales ou sexuelles.
Etiologie et pathogénie
Les troubles anxieux résultent de facteurs exogènes (évolution des phobies, situations ambivalentes ou fermées) ou endogènes (perturbations neuro-endocriniennes).
Evolution
Les anxiétés paroxystiques sont stables.
Les anxiétés intermittentes évoluent généralement de trois manières: hyperagressivité par instrumentalisation des conduites d'agression, anxiété permanente par inhibition progressive, dysthymie.
Les anxiétés permanentes sont stables ou évoluent vers les états dépressifs chroniques.
Diagnostic
Il repose sur la mise en évidence des symptômes décrits plus haut.
Diagnostic différentiel
Il vise à distinguer les troubles anxieux non spécifiques des troubles spécifiques par la présence d'étiologies précises et de symptômes associés.
Pronostic
Il est généralement favorable, sauf pour l'anxiété intermittente en raison des conduites d'agression d'autodéfense et de la rupture du lien d'attachement chez le propriétaire.
Traitement
La prescription de psychotropes dépendra de la symptomatologie et des systèmes aminergiques entrepris (tableau ci-dessous):

Système Symptômes Psychotrope
NA hypervigilance, selles molles, mydriase, flehmen, ... propranolol, lithium
DA diarrhée, agression, ... tiapride, sulpiride
DA dimin. inhibition, exploration dimin., initiative sociale dimin., dysorexie, stéréotypie (alopécie extensive), hyposomnie, insomnie, ... sélégiline
5HT dimin. alopécie de léchage, anorexie, boulimie, insomnie, inhibition, (agression), ... clomipramine, trimipramine
divers sursaut au bruit, ... trioxazine, benzodiazépine , ...


La thérapie variera de cas en cas. Le but est la recherche de l'adaptation au milieu imposé au chat, par habituation, désensibilisation, contre-conditionnement.


Anxiété de déterritorialisation (ADT)
Description
Baptisé par Béata et Pageat en mai 1996, ce syndrome est à l'origine d'un des motifs de consultation les plus fréquents en médecine féline.

Le chat est présenté pour malpropreté, essentiellement des marquages urinaires répétitifs, entraînant un ressentiment chez le propriétaire et une dégradation rapide des interactions amicales.
Etiologie et pathogénie
La perte des repères apaisants (marquages faciaux, MF) entraîne une obligation d'émettre des marquages d'excitation (marque urinaire, MU). De nombreux motifs sont à la base des perturbations des MF: introduction d'un nouveau chat, déménagement, modification de mobilier, etc.
Tant que les MU sont localisées, occasionnelles, et suffisantes pour rétablir une territorialisation adéquate (réactionnelles), la situation engendre un état de crainte mais ne déclenche pas d'anxiété.
Les réactions des propriétaires vont alors souvent aggraver la situation en modifiant les relations (punitions hors propos) et dégrader le “tissu” émotionnel. Cette déritualisation engendre l'anxiété (tant chez le chat que son propriétaire).
La répétition des perturbations des MF engendre également un processus d'instabilité territoriale propice à l'anxiété.
Enfin toute autre forme d'anxiété (anxiété post-traumatique, par exemple) peut entraîner une ADT.
Epidémiologie
Sans qu'il existe à ce jour d'étude statistique sur la fréquence de cette affection, on peut dire qu'il s'agit du plus important motif de consultation en éthologie féline en clientèle courante. Il ne semble pas y avoir de prévalence de race ou de sexe.
Evolution
Une guérison spontanée n'est envisageable que si les champs territoriaux se stabilisent et si les propriétaires deviennent indifférents aux malpropretés. Généralement, l'affection s'aggrave vers l'instrumentalisation des marquages urinaires et une malpropreté généralisée (dépression chronique). Les demandes d'euthanasie sont alors fréquentes.
Pronostic
Il est actuellement bien plus optimiste qu'il y a quelques années. On peut désormais envisager un effet positif des traitements en quelques jours, ce qui fait plaisir aux propriétaires et les encourage à persévérer. Le traitement de l'anxiété durera cependant plus de 6 semaines.
Diagnostic
Il repose sur la présence de 5 des éléments suivants:
  • marquages urinaires occasionnels à fréquents, sur supports caractéristiques ou quelconques
  • augmentation de la fréquence des griffades en de multiples points
  • agressions territoriales
  • agressions par irritation
  • hypervigilance
  • accroissement du flehmen
  • manifestation organique directe (ptyalisme, diarrhée, ...) ou indirecte (alopécie de léchage) ou marque d'évitement (sudation plantaire,...).

Diagnostic différentiel
Il inclut essentiellement les affections somatiques, notamment les atteintes du bas appareil urinaire (cystites) qui entraînent des malpropretés et des modifications comportementales liées aux mécanismes neuro-immunologiques (interleukines, cytokines, ...).
Un diagnostic d'anxiété de déterritorialisation n'exclut pas une anxiété de cohabitation ou une autre forme d'anxiété.
Traitement
Si la déterritorialisation et le MU réactionnel se traitent aisément sur base de phéromonisation d'apaisement (compresses, Feliway R ), l'ADT nécessite souvent une prescription de psychotropes.

Une thérapie de reterritorialisation (RT) peut s'imposer. La RT est facilitée par restriction d'espace pendant 5 à 7 jours: dans cet espace limité phéromonisé, il faut veiller à ne pas avoir de structure activatrice du MU (zone ou substrat de pétrissage).


Anxiété du chat en milieu clos
Description
Le chat, vivant généralement exclusivement en appartement peu stimulant, est présenté au moment où il exprime des séquences d'hyperactivité, d'insomnie et/ou d'agression sur les propriétaires.

Etiologie et pathogénie
L'étiologie n'est pas clairement connue. Les facteurs favorisants, mais pas exclusifs, sont le développement en milieu hyperstimulant (accès à l'extérieur) et une vie en milieu hypostimulant (appartement calme).
Un milieu hypostimulant, au même titre qu'un milieu hyperstimulant, peut être anxiogène et générateur d'hypervigilance (et de prurit ou d'hyperesthésie, par ailleurs).
Des séquences d'hyperactivité par crise et/ou d'agression de prédation sur les personnes ont été décrites chez près de 90% des chats d'appartement. Ces séquences peuvent être apparentées aux activités substitutives (AS). Elles répondent à la définition de l'AS à l'exception du contexte conflictuel déclencheur. Certains comportements, comme la poursuite d'un objet en mouvement (séquence préliminaire d'une prédation), sont très aisément activés chez le chat. Dans un milieu hypostimulant, le moindre mouvement peut être un stimulus déclencheur non spécifique (leurre) pour un chat mis en état d'hypervigilance.
Les séquences hypermotrices peuvent devenir stéréotypées.
Ce syndrome pourrait avoir des similitudes avec les stéréotypies de contrainte chez le chien.
Epidémiologie
Aucune prédisposition de race, de sexe n'a été mise en évidence.
Evolution
D'une simple recherche d'activité, réactionnelle à un environnement hypostimulant, le chat peut évoluer vers un état d'anxiété et/ou une instrumentalisation des conduites motrices (ou agressives). Cette anxiété ne guérit pas spontanément, mais une gestion comportementale suffit au départ: enrichissement du milieu (jeux-leurres) et repas fréquents. Les chats ayant vécu leur développement en milieu extérieur présentent souvent un état d'anxiété intermittente évoluant vers l'anxiété permanente. L'hyperesthésie facilite l'alopécie de léchage.
Diagnostic
Il s'établit sur la présence de la majorité des symptômes suivants:
  • séquences hypermotrices par crises et/ou agression de prédation sur les humains - de préférence aux périodes de réduction de luminosité (aurore, crépuscule)
  • rolling skin syndrome
  • agressions par irritation
  • hypervigilance, manifestation organique directe (ptyalisme, diarrhée, ...) ou indirecte (alopécie de léchage) ou marque d'évitement (sudation plantaire,...).
  • chat vivant en milieu hypostimulant (par rapport au milieu de développement).

Diagnostic différentiel
Il inclut l'hypersensibilité-hyperactivité (hyposomnie, absence de signal d'arrêt, absence de périodes horaires prédisposantes), l'hyperthyroïdie, les hyperagressions, la dysthymie, l'épilepsie.
Pronostic
Il est bon à réservé, certains chats nécessitant une chimiothérapie à très long terme.
Traitement
Il est essentiellement médicamenteux, la thérapie comportementale se réduisant à un aménagement des conditions de vie:
  • augmentation des éléments stimulants des comportements exploratoires et de la prédation dans le milieu (jeux-leurres, mobiles, paravents); laisser sortir le chat si c'est possible;
  • mise à disposition d'une alimentation en petits repas très fréquents ou en self-service.

La chimiothérapie visera à contrôler les symptômes productifs, tout en régulant les émotions: la clomipramine s'est révélée d'effet constant à court et à long terme, son sevrage étant relativement malaisé, les propriétaires étant confortables avec un chat en légère sédation. La sélégiline doit être utilisée à 1 mg/kg pour obtenir des effets qui sont plus tardifs et parfois moins satisfaisants pour le confort des propriétaires.


Anxiété de cohabitation
Description
Ce syndrome a été décrit sous le nom de “syndrome du nouveau” par C. Béata en mai 1996, sous celui d'agression intragroupe par J. Dehasse en 1995, d'agression territoriale par P. Pageat en 1994. Chaque auteur a insisté sur un aspect de la problématique.

Deux chats sont mis en scène et présentent une pièce en trois actes dans lesquels ils expriment des comportements d'abord symétriques, ensuite complémentaires rigides, avec le concours des propriétaires, spectateurs intervenants.
Etiologie
L'arrivée d'un nouveau chat est le facteur le plus fréquent. D'où l'appellation: syndrome du nouveau, que je n'ai pas reprise en raison de son caractère restrictif. En effet, des modifications des interactions entre chats cohabitants peuvent entraîner la même symptomatologie. C'est le cas lorsqu'un des chats d'un groupe montre une modification de ses comportements, ayant valeur de rituel pour la stabilité du groupe. Un chat anesthésié, ataxique, malade, confus, ... n'est plus reconnu par le chat cohabitant et les deux chats développent de l'anxiété.
Evolution
Un des deux chats de l'interaction agressive (le passif) présente une crainte, évoluant vers la peur et la phobie de l'autre chat et émet un comportement d'autodéfense fait de menaces (qui déclenchent souvent le conflit), d'échappement, ou d'évitement (renforcement négatif du chat phobique et renforcement positif du chat victorieux).
L'autre chat (l'actif) évolue vers une surveillance obnubilée du chat passif et contrôle les surfaces les plus étendues, empêchant les passages.
L'interaction agressive induit et entretient un cycle auto-accélérateur jusqu'à réduction des champs d'isolement et d'activité du chat phobique.
P. Pageat (1994) décrit trois phases:
1- distanciation : agression limitées aux menaces et aux charges et répartition des lieux. L'intervention disruptive des propriétaires facilite le passage à la phase 2.
2- escarmouches : retranchement des chats dans des lieux d'isolement et agression brutale du chat en mouvement; différentiation d'un chat actif (surveille les abords des champs d'isolement de l'autre chat) et d'un chat passif (évitement et isolement).
3- obnubilation : le chat actif (hypervigilant, hypersensible, hypermoteur (agitation de la queue, "rolling skin syndrome", agression redirigées sur les objets en pourtour des lieux d'isolement du chat passif)) pénètre dans les champs d'isolement du passif pour l'agresser. Le passif développe une anxiété permanente et de l'alopécie extensive.
Diagnostic
Stade 1: non pathologique;
  • distanciation entre les chats et menaces offensives ou défensives.

Stade 2:
  • chat actif: agression offensive, accroissement d'occupation d'espace
  • chat passif: agression défensive (éventuellement anticipée), diminution d'occupation d'espace
  • l'absence de marquages familiers entre les deux chats
  • l'absence de comportements d'agression envers les propriétaires
  • intervention disruptive des propriétaires

Stade 3:
  • chat actif: obnubilation, hypersensibilité, hypermotricité, agression irritative, parfois redirigée; invasion des champs d'isolement du chat passif.
  • chat passif: anxiété permanente, accompagnée ou non d'alopécie extensive; restriction d'espace vital.

Diagnostic différentiel
dysthymie
anxiété intermittente
phobie intraspécifique
Traitement
Il convient de traiter les deux chats, l'un pour réduire l'agressivité et la prise d'occupation de l'espace, l'autre pour réduire sa sensibilisation phobique et sa réduction d'occupation de l'espace.
Il faut réhabituer ou déconditionner les deux chats l'un à l'autre.
Il faut activer les allomarquages en frottant sur le second chat les phéromones de familiarité du premier chat, phéromones recueillies sur une compresse stérile à partir des sécrétions des glandes jugales.
Il faut régler l'occupation de l'espace.
Médications:
Stade 1: en absence de pathologie, il n'y a pas de médication. Cependant, on peut apaiser les craintes par utilisation de Feliway R .
Stade 2:
  • chat actif: clomipramine (dose antiproductive), sulpiride, tiapride.
  • chat passif: sélégiline, clomipramine (dose antidéficitaire), trimipramine, chlordiazepoxide (courte durée).

Stade 3: - sélégiline aux deux chats.
P. Pageat (1994) propose un protocole (76% de guérison): hospitalisation des deux chats en cages séparées contiguës. Dès que le chat actif est apaisé (queue immobile) et que le chat passif explore sa cage, on entrouvre la séparation entre les deux cages. Cette séparation est marquée aux phéromones faciales. Cette ouverture est augmentée jour après jour jusqu'à passage des chats d'une cage à l'autre. Trois à cinq jours de cohabitation pacifique après, les chats sont rendus dans le même panier. Le panier est déposé dans une pièce, les chats libérés et laissés seuls. Le lendemain, la vie reprend son cours normal.


Bibliographie

Béata Claude, 1996. L'anxiété chez le chat , Cours de base du GECAF, Toulouse 1996, 277-286.

Dehasse J oël, 1990. Comportement du chat en consultation , Premières Journées de Porquerolles, CNVSPA Sud-Est, 28/30 sept. 90.
Dehasse Joël, 1995. Le chat agressif . Secondes journées nationales du GECAF, Porquerolles, 13-16 sept. 95.
Dehasse Joël, 1996. Les conduites agressives chez le chat , Cours de base du GECAF, Toulouse 96, 255-271.
Pageat Patrick, 1994. Les conflits territoriaux chez le chat . Présentation d'un nouveau protocole thérapeutique. 1er congrès européen CNVSPA-FECAVA, Paris, Nov. 1994, 847-49.
Pageat Patrick, 1996. Communication et territoire chez le chat , Cours de base du GECAF, Toulouse 96, 248-254.
Pageat Patrick, 1996. Sémiologie comportementale chez le chat , Cours de base du GECAF, Toulouse 96, 287-301.

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