Angélique,
un jeune femme de 23 ans, tuée par ses 4 Rottweilers en France le 22
novembre 2006. La France vit un nouveau cauchemar alors
que les lois contre les molosses et autres chiens dits dangereux
viennent d'être durcies...
Éditorial - Dr. Joël
Dehasse
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Un an après la
mort d'un enfant en Suisse, quelques mois après la mort de
plusieurs enfants en France, voici un nouvel faits divers qui ravive
l'insécurité de la relation avec les chiens, dits dangereux.
On m'a demandé d'intervenir sur Europe 1, ce jour à 13h15. J'ai pu
exprimer quelques idées mais je reste frustré et j'ai l'impression de
ne pas avoir été entendu.
Alors je désire écrire ici quelques idées.
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Les lois
contre les chiens (dits) dangereux en France sont et seront inefficaces.
Ces lois suivent un agenda politique. Elles n'ont pas été édictées
pour être efficaces mais pour sécuriser la population en
responsabilisant une partie de celle-ci, les propriétaires de molosses.
Il est plus facile de pointer du doigt un sous-groupe de la population
en criant haro que de prendre de vraies décisions qui pourraient
s'avérer non démagogiques.
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Il n'y a
aucune démonstration scientifique qu'une race de chien soit plus
dangereuse qu'une autre.
Il peut y avoir des suspicions, mais il n'y a pas de preuve. Pour ce
faire, il faudrait une enquête épidémiologique pondérée ou un test
fiable appliqué à un échantillon aléatoire dans chaque race: cette
étude n'a pas été faite, à ma connaissance.
Malgré ces faits scientifiques, la population préfère croire que le
maître est responsable de la psychologie de son chien et le politique
préfère croire que la génétique du chien est responsable de la
dangerosité de l'animal.
Ces deux attitudes opposées sont partiellement justes, donc elles sont
partiellement fausses. La dangerosité d'un chien est liée à de
nombreux facteurs, incluant la génétique (individuelle, et non
raciale), la gestion par le propriétaire, mais aussi des paramètres
physiologiques (comme la faim, la peur, la colère, la douleur...) et
pathologiques (des pathologies physiques, endocriniennes,
psychiques...), des facteurs sociaux (systémiques) et
environnementaux...
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Il est
important de relativiser les accidents mortels causés par les chiens.
On peut se poser les questions suivantes:
- Combien de personnes les chiens ont-ils tués et combien ont-ils
sauvés?
On ne parle que des morts, jamais des sauvetages.
Pourtant, le chien rend des services incroyables à l'espèce
humaine.
- Combien de personnes ont-elles été tuées en France par des
chiens en 2006?
Environ 5. 5 pour 15 millions de chiens, cela fait un risque de 0,3
/ million de chien.
Il faut savoir que la voiture tue 300 personnes / million de
voiture. La voiture est 900 fois plus tueuse que le chien.
Pourquoi doit-on faire une telle hystérie sur les chiens alors que
les morts par voiture sont tout à fait acceptables?
- Faut-il sécuriser les gens contre eux-mêmes?
Je comprends bien qu'on désire sécuriser la voie publique, mais le
plus grand nombre d'accidents se passe dans la maison...
- Pourquoi s'en prendre à certaines races de chiens?
Et pas à tous les chiens de plus de 15 ou 20 kg? ou un autre
critère?
C'est comme si on pensait que la génétique d'une race de chien est
déterminée et fixée, comme dans un clonage, ce qui est faux. Le
comportement d'une race se répartit sur une courbe comme le ferait
la taille des humains: si la taille moyenne est de 175 cm, cela ne
veut pas dire que tout le monde à 175 cm. Il en est de même du
comportement des chiens. Si un rottweiler ou un labrador est
agressif, ce n'est pas pour autant que tous les rottweilers et
labradors soient agressifs.
C'est une forme de racisme que de le penser.
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Que faire pour
améliorer la situation et réduire le nombre d'agressions par des
chiens et le nombre de tués par morsure de chien?
- Les lois raciales sont inefficaces.
Même si on supprimait complètement les rottweilers, amstaff et
autres molosses, on aurait autant de morts par morsures de chiens
d'autres races.
- L'information est prioritaire.
Mieux on connaît le chien, mieux on respecte et satisfait ses
besoins comportementaux, moins on a de problèmes.
Il faut donc informer et informer de façon répétitive, sans se
lasser, et dire, si nécessaire, 100 fois la même chose jusqu'à ce
que le chien soit mieux connu, mieux respecté et que les
propriétaires deviennent responsables, dans le sens de
"capables de répondre".
Le chien est actuellement souvent considéré comme un substitut
d'enfant, de maternage pour les personnes et n'est pas accepté tel
qu'il est, à savoir tel qu'un chien, un être dépendant mais aussi
capable de mordre et sujets à des émotions variées, tout comme
nous.
- Les éleveurs devraient sélectionner des chiens de famille moins
agressifs.
C'est à dire que si la demande du public est d'avoir un chien de
famille, il faut que les éleveurs fournissent des chiens de famille
et que les géniteurs soient sélectionnés sur leur comportement
non agressif.
- Les propriétaires doivent devenir responsables, choisir leur
chien avec coeur et réflexion, et l'élever avec responsabilité:
écoles de chiots, écoles pour jeunes chiens, socialisation,
activité, jeux structurants intelligents... Le chien n'est pas
objet qu'on peut laisser toute la journée seul et sans activité:
c'est un être vivant qui a besoin d'interactivité structurée et
intelligente.
- La croyance: "j'aime mon chien, donc mon chien m'aime, donc
il ne me mordra pas" doit être démantelée. Ce n'est pas
parce qu'on aime son chien que ce chien n'a pas droit à ses
émotions, ses humeurs et à se défendre contre ce qu'il juge, lui,
être défendable, sa sécurité ou quoique ce soit.
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© Dr Joël Dehasse - www.joeldehasse.com
2006-11-23 |